Aldebert, le doux chantant

Aldebert, le doux chantant

On pourrait aussi appeler Guillaume Aldebert le “Doubs chantant”, sauf que ce bisontin, découvert avec son deuxième album “Sur place ou à emporter”, est né dans le quatorzième arrondissement à Paris, et réfute toute chauvinisme franc-comtois.

Et le fait que la capitale accueille à bras de plus en plus ouverts ses chansons aux textes drôles ou doux-amers ne sonne pas comme une revanche de la province. Mais comme une révélation qui a tout pour durer. Ce vendredi-là, il s’apprêtait à donner l’avant-dernier concert d’une série de trois semaines de représentations au Zèbre de Belleville. Avec une invitée : Jeanne Cherhal. Et un accueil public si chalereux qu’il se lance sur une grosse scène, celle de la Cigale en janvier 2004. Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge

Epiphanies : Raconte-moi ton parcours en quelques mots…

Guillaume Aldebert : Je suis né à Paris, où je suis resté jusqu’à l’âge de trois ans. Puis mes parents sont partis en Franche-Comté, car mon père a trouvé du travail à Besançon. J’ai vécu toute ma vie dans le Doubs, depuis. Côté musique, j’ai commencé en primaire par des cours très scolaires de piano et d’orgue, puis au lycée j’ai découvert la guitare électrique (sourire). Là, j’ai changé d’univers et je me suis mis à jouer dans des formations boutonneuses et militantes (sourire), des groupes de rock : Game Over, Killing Potatoes, puis White, avec qui je suis resté pendant six ans. C’était l’occasion de faire mes premiers pas sur scène. Dans ces groupes, je composais la musique, et je faisais un peu les choeurs. Je n’écrivais pas les textes.

Je suppose que c’étaient des textes en anglais…

Oui, et à cette époque, je faisais du rock comme on fait du kung-fu le week-end, pour me défouler. L’écriture, ça a commencé au collège : je faisais de petites cassettes avec des sketchs sur les profs ou la famille. C’est un peu comme ça que c’est venu, pas forcément par l’écriture dédiée à devenir une chanson. Je n’avais pas l’intention de devenir chanteur. C’était avant tout pour faire marrer l’entourage, c’est ce qui me plaisait. Aujourd’hui, on retrouve un peu ça dans ma musique.

Comment est venue l’idée d’écrire des chansons ?

Je crois que c’est venu après le service militaire (sourire). Je me suis dit il faut que je trouve quelque chose. J’avais essayé la fac, les beaux-arts, je ne trouvais pas forcément ma voie.

Mais elle semblait déjà passer par l’artistique ?

Oui. J’avais fait une école de photo à Paris avant l’armée. Le démarrage dans la chanson s’est fait parce que j’ai été encouragé par mes copains. Sinon, je n’osais pas dire “je suis chanteur, j’écris des textes, je vais t’interpréter une chanson toute de suite.” Ca, c’était impossible au départ. Après des maquettes, on m’a encouragé à enregistrer mes chansons avec d’autres musiciens. C’est ce qui a été fait avec un premier album de huit titres auto-produit, distribué localement. Il est parti asez vite : il y a eu un bon accueil, et le bouche à oreille a fonctionné. C’est là qu’on m’a encouragé à monter sur scène pour y défendre mes textes. Mais ça a été dur…

Monter sur scène, ce n’était pas évident ?

Je l’avais fait pendant six ans avec des groupes, quand j’étais guitariste avec les cheveux longs, sur des scène régionales, des petits festivals. ce qui faisait peur, ce n’était pas la scène, c’était le fait d’assumer mes textes. C’était difficile pour moi : délivrer des textes sur scène, c’était vraiment se mettre à poil. Ça a été un vrai travail de monter sur scène, aujourd’hui ça va mieux, mais ça été progressif.

Les textes humoristiques, c’est une manière plus facile de se mettre à poil ?

Oui. C’est peut être aussi une façon de façon de moins s’engager… Une façon de dédramatiser sur des sujets graves. Je ne pourrais pas écrire un chanson grave, je veux dire une chanson militante ou sur un sujet dur. Parce que je n’ai pas envie de ça. Je peux écrire sur des sujets profonds, mais toujours avec décalage et humour. J’ai beaucoup d’inquiétudes, de peurs, de traumatismes, par exemple sur le temps. Il y a beaucoup de chansons sur le temps qui passe, donc je les traite de façon décalée, en parlant de chirurgie esthétique, d’hypocondrie, d’un bonhomme qui vient d’arrêter de fumer, qui se bat contre ses démons. Ca m’intéresse de travailler là dessus.

J’avais remarqué que le temps est quelque chose qui revient souvent, notamment la façon de bien vieillir. De plus, on a l’impression que tu es dans la zone entre l’adolescence et l’âge adulte qui arrive et qui fait un peu peur… C’est très à la mode les ados qui ne veulent pas passer à l’âge adulte. En même temps, si on te classait “chanteur kidult”, ça t’embêterait, non ?

Je ne sais pas, mais je ne suis pas dans cette vague “adulescents” qui a été pas mal médiatisée : les trentenaires qui se parfument avec les parfums qu’on avait quand on était gosses et se réunissent pour regarder “Casimir”. Moi, ça ne me branche pas vraiment. Par contre, l’adulescent au sens propre, m’intéresse. Je le sens vraiment le passage des trente ans : garder une vie super rock’n’roll, en faisant la fête, en vivant de façon irresponsable, et puis l’envie de construire un foyer, une famille, ça m’intéresse de travailler là-dessus. J’ai une chanson qui s’appelle “L’adulescent”, qui parle de ce passage précis dans une vie, pas du phénomène médiatique autour de ça.

En parlant de vie “rock’n’roll”, tu as expliqué lors de ton concert au mois de mai à l’Européen que ton premier album, “Plateau télé”, a été enregistré sur une colline de Besançon, et que vous buviez de l’anisette locale, le Pontarlier. C’était un enregistrement rock’n’roll ?

Oui, complètement. (sourire) Le premier album, c’était très spontané, très naturel. C’était la bande de potes qui se disait on va faire un CD, viens enregsitrer. Ça s’est fait de manière festive : on enregistrait en journée, le soir on faisait la fête. C’était un peu “L’auberge espagnole” de Klapisch ! Un ami nous a prêté une maison à sur la colline de Chaudanne, avec la vue sur Besançon, super cadre. C’était l’été, donc la chanson “rien qu’un été” raconte cette ambianc et le côté amical, avec les liens très forts qu’il y a entre nous. Ces liens, c’est quelque chose qui me porte.

Les amis musiciens du début sont toujours là ?

Il y a un noyau de base, c’est Christophe Darlot, le pianiste-accordéoniste, et le manager, Jérôme Nicolet. Ce dernier était étudiant en informatique. Il m’a dit qu’il allait s’occuper de ma musique à plein temps. Il a lâché sa thèse à trois mois de la soutenance. Pour lui, c’était un pari. Nous sommes partis à l’aventure. Après, nous avons greffé des musiciens. Et à un près, ce sont les mêmes. Il n’y a pas eu de changement total de casting.

L’ambiance amicale, c’est important pour toi ?

J’ai besoin d’être entouré, j’ai très peur d’être tout seul. Cet état d’esprit d’équipe me soutient.

On ne pourrait pas te voir comme Vincent Delerm, seul en scène au piano ?

Si, parce qu’il y a des chansons que je fais seul. Et puis parfois, on travaille en duo pour certaines scènes, avec Christophe. Lui au piano et accordéon, moi à la guitare. J’aime bien donner quelque chose d’assez contrasté sur scène : que ne soient pas tout le temps les cinq musiciens. Il ne faut pas que ça soit plat. On essaie de contraster au maximum le spectacle, donc de varier l’effectif.

Tu as gagné il y a peu la truffe de Périgueux ?

C’est un trophée de Radio France, un radio-crochet national. France Bleu m’a sélectionné pour la demie-finale, qui avait lieu à Périgueux. On a joué quatre titres. Puis en finale, nous étions sept artistes, et on chacun deux titres… et j’ai gagné ce prix. C’était mon premier concours. Je n’aime pas trop de genre de prestation : le concours en musique, ce n’est pas quelque chose qui me plaît énormément, mais le jeu en valait la chandelle, car il y a vraiment un suivi de la part de Radio France en terme de programmation de mes titres sur leurs réseaux. J’avais besoin de ce coup de pouce pour cette rentrée, pour me faire voir. Donc c’était super !

Le titre mis en avant, c’est “Saint’ Nitouche”. Ça fait quoi de s’entendre en radio ?

Ce titre, qui passe parfois sur Inter, est entré en playlist sur le réseau Radio France. Je crois qu’il le passe dix ou douze fois par semaine. Je me suis fait réveiller par mon radio-réveil avec une de mes chansons, c’est rigolo !

Tu finis trois semaine de concerts au Zèbre. Ça s’est passé comment ?

Génial ! De mieux en mieux ! J’appréhendais un peu côté public : ce n’est pas évident quand on vient de province de tenir sur une longue durée à Paris. On s’est demandé si les gens viendraient, est-ce qu’il y a assez de promo ? Mais ça s’est avéré payant parce que le bouche à oreille a fonctionné. Au fur et à mesure, on a commencé à remplir le balcon. Et on enchaîne à la Cigale, le samedi 24 janvier. Ce sera la première grande date parisienne tout seul.

Jean-Marc Grosdemouge