Anja Lechner/Vassilis Tsabropoulos "Chants, hymns and dances"

Anja Lechner/Vassilis Tsabropoulos "Chants, hymns and dances"

C’est fou comme on peut créer tout un univers avec “juste” un violoncelle (Anja Lechner) et un piano (Vassilis Tsabropoulos). Par une débauche d’effets ? Pas du tout : en visant à l’épure au contraire, en esquissant, en laissant le silence faire son oeuvre, son lent travail de construction…

Danses, hymnes byzantins, prières, chants sacrés, chansons arméniennes, lamentations de femmes assyriennes : le répertoire est, pour la majeure partie des titres, signé Georges Ivanovitch Gurdjieff, compositeur greco-arménien qui a parcouru monastères et écoles ésotériques d’Asie Centrale et du Moyen Orient. Le reste -cinq titres au milieu de l’album, tout à fait dans la même veine méditative, sont signés par Vassilis Tsabropoulos.

Ce répertoire cohérent qu’a choisi d’arpenter le duo est basé sur une certaine lenteur. On songe à des pavanes, à un pays écrasé de chaleur, au désert, à l’aridité, aux pierres chauffées à blanc par l’astre du jour. Nul ici ne donne pas dans la carte postale orientalisante, mais plutôt dans une musique de chambre aux parfums ethniques, propre à ravir les amateur du “Thé au Sahara” de Bertolucci, de musiques du monde… ou ceux qui pensent que malgré l’immense talent de Gerard et Perry, la musique Dead Can Dance est parfois un tantinet surproduite.

Lechner et Tsabropoulos inventent une musique de chambre de notre temps : celui de la circulation hyper rapide de l’information et des influences. Mais leur grand mérite est de ralentir un peu la vitesse du flux, au moins le temps d’un disque. Voilà donc un disque calme qui porte à la rêverie par la grâce de quelques notes. Cette musique de chambre se joue dans une chambre dont on aurait ouvert bien grand les fenêtres pour y laisser pénétrer quelques vent. Chauds et plein de quiétude, cela va sans dire. Le travail du duo consiste à mettre en ombre et en lumière les morceaux, à jouer en douceur sur les contrastes. Souvent, le piano est lumineux quand le violoncelle se veut plus sombre. On a l’impression d’être dans un tableau de Rembrandt (son fameux clair obscur) ou de Georgesde la Tour, qui savait si bien restituer l’intensité d’une flamme qui brille dans la nuit, et jouer sur les ombres portées. Voici un disque captivant, une oeuvre majeure à mettre dans la discothèque de tout honnête homme.

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Jean-Marc Grosdemouge

Anja Lechner/Vassilis Tsabropoulos “Chants, hymns and dances”, 1 CD (ECM/Universal), 2005

Jean-Marc Grosdemouge