Camille : elle vide son sac

Camille : elle vide son sac

   Est-ce qu’une chanteuse ressemble toujours à l’idée qu’on se fait d’elle à l’écoute de ses chansons ? Pas forcément. La parisienne Camille Dalmais, par exemple, n’est pas du tout celle qu’on imagine si l’on s’en tient à l’album “Le sac des filles”. En tout cas, Camille bavarde volontiers, et elle des choses à dire. Tant mieux.

   La vie nous réserve bien des surprises. On pensait, en rencontrant Camille, avoir affaire à la demoiselle habillée rétro du clip “Paris”, où elle interprête cette chanson un peu cabaret sur un bateau-mouche, et l’on rencontre une fille en survêtement qui a bien l’air de notre temps. De même, on pensait rencontrer une fille de plus de trente ans ayant écumé les café-concerts et pas mal galéré et l’on tombe nez à nez avec un fille de 24 ans, qui était il y a encore pas si longtemps étudiante, qui se définit comme “lucide sur le monde” et “naturelle.” Et chez qui l’on décèle une grande maturité. “Je suis moi-même”, semble-t-elle dire en filigrane dans cette interview. Camille est réveuse, intello (il faut suivre, parfois), elle s’intéresse aux vieilles chansons et à l’électronique. Cela fait son charme. Un charme qu’elle conserve en levant un coin du voile. “Mon album correspond à mes états d’esprit et à mes goûts musicaux variés”, confie-t-elle. Camille nous en dit un peu plus sur elle, son monde, et sur “Le sac des filles”, son premier album. Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge.

Epiphanies : Quel parcours t’a amenée à sortir ce premier album ? il paraît que pour toi, tout a commencé dans un mariage au cours duquel tu as chanté …

Camille : C’est un moment que j’ai un peu mythifié. Disons que pour la première fois, à seize ans, j’ai vraiment eu l’impression de chanter devant beaucoup de gens. J’ai toujours été fascinée par le monde du spectacle : j’avais envie de monter sur scène quand je voyais un spectacle.

Tu as toujours été fascinée par le show biz ?

Oui, depuis toute petite. Je préfère le terme spectacle : “biz”, ça fait fric, et “show”, c’est se montrer (moue dubitative)… Ce qui m’attire, ce n’est pas se montrer, c’est le monde imaginaire qu’ouvre la chanson, une espèce de liberté, de créativité…

Tu n’aurais pas eu cette liberté dans un autre domaine ?

C’est la manière la plus évidente d’accéder au rêve, à quelque chose d’inexplicable.

Tu es une fille rêveuse ?

Oui, je crois…

Ta fascination pour le spectacle ne t’a pas empéchée de pousser les études jusqu’à Sciences Po.

Les études aussi étaient une façon de vivre dans ma bulle. C’est une stimulation intellectuelle : quand ça va loin, c’est une aventure… C’est cette recherche intellectuelle qui me plaisait, une espèce d’abstraction. On fouille, on imagine, on réfléchit. On s’ouvre sur le monde, d’une manière assez intérieure finalement.

Tu te revendiques rêveuse et intellectuelle ? Ce n’est pas courant de voir une personnalité allier ces deux aspects…

Je me sens un peu tiraillée par ça, mais en fait, c’est assez logique : la rêverie, c’est la sensualité. Penser, c’est rendre abstrait ce qui est concret. Pour en revenir aux études, parfois, c’est faussement concret. On a le cul entre deux chaises et l’on se dit que la réponse est plus dans l’observation de la réalité que dans la prise de tête intellectuelle.

Les chansons sont une façon de poser sur le papier ces réflexions que tu peux avoir sur plein de choses ? Une façon de synthétiser tes idées ?

Ça le devient peut être, mais à la base, c’est une façon de m’exprimer alors que je n’en avais pas l’occasion. On ne s’exprime pas dans les études. Je voulais exprimer des choses réelles, ou mes rêves, une expression personnelle qui n’avait rien à voir avec les études que je pouvais faire.

Comment as-tu commencé à écrire des chansons ?

Je l’ai décidé. Je me suis dit “si tu veux être chanteuse, il va falloir que tu écrives tes chansons.” Je me suis un peu poussée au cul. Certaines choses ne peuvent être exprimées de par moi, les histoires d’amour par exemple. J’étais un peu obligée de le faire, d’exprimer ça, parce que ça me regarde. Et heureusement que j’écris mes chansons, sinon je me ferais peut-être chier. Si j’étais dans un domaine du jazz ou classique, le répertoire existant me suffirait peut être. Mais l’intérêt, en chanson, c’est de faire sa propre recherche vocale, d’écriture, et de composition, car tout s’interpénètre.

Il y a des genres très divers sur ton album, de la chanson cabaret à la soul en passant par la chanson folk. C’est voulu ?

Non, mais ça m’a appris à me connaître. Quand j’ai eu des rendez-vous dans les maisons de disques, on m’a dit “t’es dans quel genre ?, tu veux faire quel genre d’album ?” J’ai paniqué : il faut que je choisisse ? Je fais un album folk, ou autre chose ? Au début, j’étais un peu dans l’électronique (NDR : Camille a collaboré avec Marc Collin pour le projet Les Pétroleuses), parce que c’est normal de se chercher, ça me correspondait. Donc cet album est divers. Par la suite, ça deviendra peut-être plus homogène. Ce sera peut-être quelque chose que je développerai et qui sera plus à moi. Mais je voulais que le “Sac des filles” soit un peu éclaté, qu’il corresponde à mes états d’esprit un peu variés, à mes goûts musicaux variés. Je le revendique. J’avais envie de cette liberté.

La cohérence, ce sont les paroles, qui ne sont jamais tristes, mais arrivent tout de même à faire passer des sentiments qui le sont un peu ?

La cohérence, c’est que c’est moi qui ai fait ces chansons, qui les ai intérprétées. J’en suis à l’origine, ça vient de moi, de ma vie, de mes envies. Cet album ne sombre jamais dans le pathétique, mais ça n’est jamais pop bonbon.

Jean-Marc Grosdemouge