Camille, L’Européen, Paris, mardi 28 janvier 2003

Camille, L’Européen, Paris, mardi 28 janvier 2003

Après les Primeurs de Massy, voici le temps des premières scènes parisiennes pour Camille, en résidence avec Roméo à l’Européen. Et c’est une belle, très belle, révélation.

L’avantage de ces résidences à l’Européen, c’est qu’elles permettent de faire la connaissance non pas d’un mais deux artistes en un même soir. La première fois que j’ai assisté à ce genre de spectacle, deux artistes de l’écurie Tôt ou Tard qui venaient de sortir leur premier album se produisaient sur scène : Jeanne Cherhal et un certain… Vincent Delerm, pour qui l’Européen doit rester, à ce jour, sa plus petite salle parisienne.

Rebelotte avec Roméo (très marrant sur scène) et Camille. Roméo, dont on n’avait peu goûté l’album “Non, non, non” malgré ses textes plein de sens s’en sort pas mal. Immobilisé par un petit mal de jambe, il dût se résoudre à donner son concert assis, guitare sur les genoux. Il est juste accompagné d’un bassiste (avec une pédale d’effets semble-t-il) et d’un batteur avec un set électronique. En écoutant ses chansons, on a l’impression que Roméo est un ancien punk, qui, n’arrivant pas à faire passer son message dans le bruit et la fureur autrfois, tente l’humour. Et ça marche déjà mieux. Mais celle qu’on attendait, sur la foi de son premier album “Le sac des filles”, c’est Camille. Accompagnée de Sébastien Martel (qui a signé un joli maxi, “Mini Ragalet”, puis l’album “Ragalet”) et d’un contrebassiste-batteur (une grosse caisse et un charleston), elle a donné un set magistral, du haut des ses 24 ans.

Camille arrive, vêtue d’une tunique rouge sur pantalon noir, les pieds nus, et tient un sac en papier à la main. Elle en extraits des pétales de rose qu’elle jette sur scène. “Pour installer mon univers de fille”, glisse-t-elle. Un jet de pétales vers la public (à sa demande), une blague à l’endroit de Roméo (elle a trouvé une canette de jus d’orange sur scène, qu’elle va jeter… “Je ne suis pas ta Juliette”, lance-t-elle), et le set commence. La voix est là, belle et puissante, comme sur le disque. Ce qu’il y a en plus, c’est la présence de Camille, sa théatralité, son regard, sa façon de danser et de s’éclater sur scène. On se dit que si l’on n’a pas affaire là une future grande de la chanson (genre Zazie), c’est à n’y rien comprendre. Camille est venue sur scène avec des poignées de roses.

Elle est aussi venue avec une poignée d’humour dans la poche droite et une poignée d’émotion dans la poche gauche, quelle jette alternativement. Côté humour, un clin d’oeil à M6 (“le clip de Paris a été coup de coeur sur M6. Je ne savais pas qu’M6 avait un coeur”), quelques louches serrées au premier rang (“Comme Chirac ! C’est ma maison de disque qui m’a dit ’serre des mains, tu vendras des disques.’ Je plaisante !”), une tirade sur les ex (“je ne suis jamais la première”), la lecture de la lettre d’un fan, David, qui voit dans le texte de “Mon petit vieux” une relation perverse entre un vieillard et une petite fille, ou une réplique du genre : “Il sort quand l’album de Sébastien ?” Elle interroge le chef de produits de sa maison de disques… “Eh oui, nous sommes des produits.” Sébastien, c’est Sébastien Martel, qui a interprété l’un de ses titres.

L’émotion est un peu partout, palpable dans chaque petite chose, et dans quelques chansons, comme cette reprise en anglais d’un vieil air du compositeur anglais Benjamin Britten, où la version solo de “Là où je suis née”, au piano Rhodes, en rappel. Un rappel salué par une salle dans laquelle quelques spectateurs se lèvent, tandis qu’on applaudit à tout rompre. Camille a un regard de gamine épatée, puis ses yeux s’embuent. Elle baisse la tête, se retourne, car les larmes viennent. Ses musiciens lui prennent la main. Ce soir, c’est encore l’émotion qui a gagné.

Jean-Marc Grosdemouge

setlist : L’heure d’été / Le sac des filles / Yekoko / 1, 2, 3 / La demeure d’un ciel / reprise Bejamin Britten / Les ex / Paris / Ragalet (Sébastien Martel) / Mon petit vieux / Un homme déserté / Je ne suis pas ta chose / Une fille / Happier / Rappel : Là où je suis née

Jean-Marc Grosdemouge