Collectif "Les tubes de l’été"

Collectif "Les tubes de l’été"

L’été est la saison où la télé devient un peu plus culturelle, où la radio sort le caviar (ex : “Un été avec Homère” sur France Inter avec Sylvain Tesson) mais où, musicalement, tout le monde ou presque abdique tout bon goût. Ce livre compile les histoires de ces “chansons cultes”. “Alors regarde”, “La maladie d’amour” : ils sont venus, ils sont tous là, les tubes… surtout les pires. Écoute un peu la France : à la fin, ça fait limite peur.

tubes de l'été livrePour le prix d’un café-crème, plongez donc dans la crème de la musique de l’été, vous savez : cette saison où la télé part en vacances, en laissant les clés à des animateurs qui en font tout et n’importe quoi, où il n’y a plus personne ou presque, dans les radios, pour dénicher la pépite parmi les nouveautés. Bref, entre pastis et saucisson (le terme qui désignait un “tube” autrefois), l’été est la saison en roue libre (et pas seulement à cause du Tour de France).

Ainsi, on constate à la lecture de la liste de ces tubes disséqués un à un que, si les Français ont généralement mauvais goût tout au long de l’année en matière de musique, cela se gâte sérieusement à l’heure des congés payés et des embouteillages au péage de Saint-Arnoult. La Nationale 7 des hits françaouis voit ainsi défiler : “L’été indien” de Joe Dassin (1975), “Un, dos, Tres, Maria” de Ricky Martin (1997), “Manhattan-Kaboul” de Renaud et Axelle Red (2002) ou “Ma liberté de penser” de Florent Pagny (2003). Heureusement, la France a parfois fêté des chansons autrement plus recommandables quand vint l’heure de se mettre en maillot sur la plage, comme “(I can’t get no) Satisfaction” des Stones, “All you need is love” des Beatles ou “Smell like teen spirit” de Nirvana. Et si l’ironie pointe parfois (Francis Marmande est un fan de jazz et il doit considérer avec mépris la variétoche, surtout celle de l’été), chaque chanson est décrite et analysée comme on le ferait avec un film d’Antonioni, un livre de Kundera ou un monochrome d’Yves Klein. Le grand mérite des rédacteurs du “Monde” (et parmi les meilleurs des pages culture : Francis Marmande, Stéphane Davet, Véronique Mortaigne, Bruno Lesprit) est de replacer, à chaque fois, la chanson dans son contexte politique ou social.

Si, parfois, c’est un peu fumeux (“Désenchantée” de Mylène Farmer en 1991 symboliserait le désenchantement des dix premières années du mandat de Mitterrand), on apprend aussi que le mur de Berlin est tombé au son de la “Lambada”, chanson de Kaoma (volée à son compositeur, du reste) qui fit danser toute la France collé-serré en 1989. Que la chanson qui a servi de bande-son au bicentenaire de la Révolution Française ait aussi servi à celle de la chute du communisme en Allemagne et à la destitution de Ceauşescu en Roumanie, voilà un beau clin d’oeil de l’histoire. Mais si les Français ont su faire la Révolution il y a plus de deux cents ans, côté musique, de nos jours, il existe un rituel immuable, une loi d’airain : chaleur = abdication totale du bon goût en matière de musique. Si le niveau culturel de ce pays vous navre et que vous cherchiez des raisons de croire, ne lisez pas ce livre.

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Collectif “Les tubes de l’été. Chansons cultes, des sixties aux années 2000”, Librio Musique, 95 pages, 2006.

Jean-Marc Grosdemouge