David Mead : nul n’est prophète en son pays

David Mead : nul n’est prophète en son pays

Auteur du formidable album “Tangerine” (voir notre article), l’Américain était de passage à Paris fin septembre. A quelques heures de son concert à la Flèche d’Or, nous avions rendez-vous avec lui, qui vient de signer sur la structure naissante Minimum Music, après avoir sorti des disques chez RCA et EMI. Seulement, David Mead est encore un secret bien gardé dans son pays natal… heureusement que la France fait à ses mélodies d’orfèvre l’accueil qu’elles méritent.

Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge

Epiphanies : Tes trois premiers albums, sortis sur des majors, ont été bien accueillis par la critique mais n’ont pas été des gros hits… Tu as ressenti quoi ?

David Mead : A l’époque, j’étais déçu, mais maintenant je suis plutôt content de la façon dont les choses ont tourné. Aux USA, quand tu as un hit, si tu veux maintenir le succès, le pays est si grand que tu dois partir en tournée pendant ans ou plus, et plus jeune, je n’aurais pas aimé faire ça. C’aurait été bien d’avoir plus de succes, mais ça va. Mais je joue de la musique, je suis chanceux, parce que tout le monde a pas cette chance.

Pour toi le plus important, c’est ça : produire ta musique et faire exactement ce que tu veux ?

Oui, je sais pas faire grand chose d’autre aussi bien. Faire ce qui m’intéresse musicalement et qui est susceptibe d’intéresser des gens, c’est la belle vie. C’est pas si important de faire de l’argent avec. Tant qu’il y a des gens que ça intéresse, c’est ça qui compte.

Tu es né à New York, mais tu as bougé dans le sud, puis tu es revenu à New York. Tu y vis toujours ?

Je vis à Brooklyn.

Mais ado, tu vivais dans le sud ?

De 6 à 21 ans, oui.

L’environnement musical ne devait pas être le même. Tu étais où exactement ?

En Alabama, dans le Tennessee, en Géorgie. C’est surtout des endroits où il y a de la country, mais il y a de la pop aussi. J’ai vécu à Nashville et c’est là que j’ai enregistré “Tangerine” : on y trouve de grands musiciens pop. Tu connais Josh Rouse ? Il vit à NYC maintenant, mais pendant longtemps, il a vécu à Nashville.

MLM : Mais quand tu habites un état du sud, tu as besoin de bouger si tu veux réussir à quelque chose, non ?

Généralement, si tu veux t’impliquer dans l’industrie du disque, il faut bouger vers NYC, Los Angeles ou Nashville, mais tu n’es pas obligé : à Omaha, dans le Nebraska, le groupe Bright Eyes a créé son propre label, et enregistre là bas… Si tu vis à New York et que tu fais un concert, c’est pas difficile de faire venir les journalistes, et ensuite ils parlent de toi. C’est pas la même si tu vis en Alabama, parce qu’ils n’y sont pas, mais on peut s’en sortir quand même.

MLM : A LA ou NYC, c’est plus facile de rentrer avec les gens qui t’aident à faire carrière…

Oui, avec le gratin. C’est là que le business se fait

Mais en Alabama, il y a les studios de Muscle Shoals. Tu as déjà songé à y enregistrer ?

Je ne sais pas si les studios où ont été enregistrés les classiques y sont toujours. Je crois que c’est un endroit super barbant. Je n’y suis jamais allé, mais je crois pas que je m’y plairait tellement (rire). Ca doit etre dingue, mais y’a plein de bonnes choses qui viennent de là.

En France, tu as eu de beaux papiers dans la presse. Tu aimes la musique française ?

Je connais Satie et Air (rire). Piaf aussi. J’en connais plus que l’Américain moyen, mais pas tant que ça non plus (sourire) sur les trucs français ou européens. J’espère que ça va marcher, parce que la majeure partie de mon activité c’est tourner et pour moi, c’est plus sympa de jouer par ici. J’adore l’étranger. Je vis à New York, donc j’y rencontrer bien plus de cultures que je pourrai jamais en rencontrer dans un autre lieu…

C’est comme un petit monde ?

Oui, c’est très différent du reste des USA.

Tu tournes plus en Europe qu’aux USA ?

Non, je tourne probablement plus aux USA. Enfin, je tourne pas mal en Angleterre et en Irlande, un peu en Scandinavie, et en Europe continentale : France, Belgique, mais en Espagne pas tant que ça.

Je trouve qu’il y a dans ton disque un songwriting très européen, quelque chose qui fait penser à Prefab Sprout dans la manière de composer. On peut aussi te comparer à Brian Wilson mais il y a quelque chose de “british” dans ta musique…

Oui. J’aime les Beatles, Costello, XTC, The Smiths, Joy Division. C’est un peu exotique pour moi. Quand j’habitais Nashville, je récupérais pas mal de disques que les journalistes recevaient et revendaient aussi sec : c’est comme ça que j’ai découvert The Smiths, Aztec Camera, Crowded House, Suede. A Nashville, aucun de ces artistes n’avaient leurs disques vendus dans les boutiques normales, fallait passer les soldeurs.

Parfois les gens revendent des joyaux… J’imagine que malheureusement, dans ton pays, l’audience de ta musique, aussi géniale soit-elle, n’est pas énorme...

Eh non. Je ne crois pas avoir dépassé 15000 ventes. Je crois que ceux qui vendent sont dans une formule réputée marcher, on peut prédire leur succès. Parfois, il y a des surprises comme avec Nirvana ou les Strokes, mais c’est pas souvent…

Jean-Marc Grosdemouge