François Audrain : semi detached

François Audrain : semi detached

François Audrain est un Breton de trente trois ans. Prof d’histoire-géo, il effectue des remplacements, ce qui lui laisse le temps de travailler sur sa musique. Au début de 2001, il a sorti l’album “Détachée”, où il s’adonne aux plaisirs volupteux de la chanson digitale. Audrain a une voix grave et des textes d’une grande poésie (il est fan de Romain Gary et d’Andreï Makine). Des textes plus récités que chantés, sur fond de musique électronique. Nous avions envie d’en savoir un peu plus sur la façon dont il a construit le son si particulier de son album. Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge

François Audrain : Tous mes frères et sœurs plus âgés que moi jouaient de la guitare. J’étais le dernier de la famille. Je m’y suis mis avec eux, et puis j’ai fait le conservatoire de dix à quatorze – quinze ans. J’ai arrêté le conservatoire, commencé à écrire des chansons et à monter des groupes locaux. Dans mon premier groupe, quand j’étais en troisième, on répétait toujours chez moi. Du coup, tous les instruments étaient sur place dont je touchais au clavier, à la batterie, à la basse…

Epiphanies : Le son de l’album “Détachée” est venu comment ?

C’est venu plus tard, par la rencontre avec Skot. Les premiers groupes étaient des groupes de reprises (Joy Division, Cure, Gérard Manset, Marc Seberg), ou des groupes où je faisais mes propres chansons, mis ça n’avait rien d’électronique, même si je commençais à en subir l’influence, car j’écoutais déjà Kraftwerk à la fin des années 70. J’ai aussi beaucoup suivi Depeche Mode dans les 80, donc les sonorités indus et électro m’intéressaient. Mais c’est seulement à la fin des 90, avec Skot qu’on s’est mis à bosser sur ses sons-là…

Qui est Skot ?

C’est quelqu’un d’assez particulier, il touche à pas mal de choses. Au départ, il était pianiste, saxophoniste. Il a été prof de saxo au conservatoire de St Malo, il a aussi fait des écoles de musique contemporaine, donc il a touché à tout ce qui était expérimental… Il faisait du saxo dans un groupe de l’ouest, La Famille Boost. Quand il a arrêté, on a bossé sur mes chansons. Il s’occupe de toute la charpente électronique. Le son qu’on a sur l’album, c’est vraiment un travail entre lui et moi – mes guitares, ses machines.

Tu l’as rencontré comment ?

Par l’intermédiaire d’un collectif créé il y a trois ans à Rennes qui s’appelle Le Jardin Moderne. Ca regroupe une trentaine d’associations culturelles de la ville, dont celle des Transmusicales. Ils ont créé un lieu de répétition et d’enregistrement. Tous les groupes peuvent venir répéter et maquetter pour pas cher, et puis c’est un lieu de formation, un lieu multimédia… Un autre groupe en est sorti : Replay. Ils accompagnent des projection de vieux films. Ils ont signé sur un autre label de Warner. Le Jardin Moderne, c’est un lieu de rencontre surtout (rire). Il y a des petites annonces, donc j’ai mis une annonce car je recherchais quelqu’un pour approfondir le côté électronique que je ne maîtrise pas trop. Il m’a appelé, et comme on jouait en concert le lendemain, il est venu. Il a bien accroché sur les chansons et deux jours après, on se mettait au boulot ensemble.

A l’époque, tu chantais du rock ?

C’était électronique, mais moins élaboré – je travaillais avec un musicien qui faisait des claviers et des machines, mais il avait un boulot, et pas à Rennes, donc il n’était pas très présent dans le projet. Au départ, Skot s’est rajouté à la formation, et l’autre a arrêté un peu après parce qu’il n’arrivait plus à suivre car il manquait de temps…

C’est quand tu as bossé avec Skot que tu as commencé à démarcher les labels ?

La première accroche avec Tôt ou Tard, c’est avec une première démo de cinq titres, électronique mais réalisée sans Skot… Quand on a signé pour de bon, le projet d’album qu’on a présenté au label a été monté avec Skot. On travaille chez lui – il s’est aménagé un studio. Je travaille aussi chez moi avec un seize pistes numérique. On travaille chez nous sur la pré-production des chansons, et pour les répétitions avec les musiciens, là, on a des lieux étudiés pour ça.

Pour les chansons, vous travaillez de votre côté et vous vous échangez les choses ?

Complètement. J’enregistre, je transfère sur son PC… Ensuite, comme on habite à Rennes, à un kilomètre l’un de l’autre, je prends ma voiture pour lui apporter le disque dur. C’est vraiment une collaboration à deux sur tout ce qui concerne la charpente électronique.

Skot apporte des idées ?

Des idées sur les arrangements, très bonnes, d’ailleurs. Il est très créatif. Moi j’apporte la base – textes et musiques. Lui met en forme l’électronique. A ce moment, le travail à deux devient un échange…

François Audrain “Détaché”, 1 CD (Tôt ou Tard), 2001

photo : Youri Zakovitch

Jean-Marc Grosdemouge