Jean-Paul Elysée : keep Cole

Jean-Paul Elysée : keep Cole

Après avoir craqué sur l’album du Guadeloupéen Jean-Paul Elysée, “Vocal Porter”, nous avons voulu en savoir plus sur lui. Après son set au Sunset, rencontre avec ce jazzman fan -entre autres- de Cole Porter. Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge

Jean-Paul Elysée : Je suis né à Paris 14ème d’un père guadeloupéen et d’une mère Martiniquaise. Nous vivions avec mes sœurs à Bagneux dans le 92. Je ne suis parti vivre en Martinique qu’à huit ans, mes parents fonctionnaires avaient obtenu leurs mutations. Ceci pour dire que dans un sens, quand mon bac en poche je suis revenu en métropole, ce n’était qu’un retour. J’avais des cousins plus âgés qui étaient déjà à Toulouse pour études, alors j’ai choisi Toulouse. Un cursus assez banal. Bac C, fac de science en DEUG de maths à l’université Paul Sabatier de Toulouse. Quand je suis arivé à Toulouse j’étais dans ma période reggae. Je ne jurais que par Marley, Steel Pulse, Third world, et naturellement, dès mon arrivée j’ai monté un groupe de reggae ;  “Sound System”. a force de traîner dans les bars, on a fini pas se faire une petite réputation, notamment après un concert au Tilt (une salle à Toulouse, je ne sais pas si elle existe encore aujourd’hui), en compagnie des stars locales du moment ; “Marie et les Antoines”. C’est une période grisante. La séparation d’avec les parents, cette liberté, la musique. C’est pour les études que c’était plus problématique. Il fallait souvent  faire l’année en deux mois pour les examens, ce n’était pas toujours simple mais finalement je ne m’en suis pas trop mal sorti..

 Epiphanies : Et alors comment s’est fait la rencontre avec le jazz ?

L’une de mes premières émotions musicales s’est produite lors de l’écoute d’un disque du “Golden Gate Quartet”. Je devais avoir 9 ou 10 ans. Depuis je suis passionné par les chœurs d’hommes. Je viens d’un milieu religieux. Chorale à 10 ans, mon premier quartet vocal à 12. On chantaient des spirituals comme les ” Kings Héralds”, nos idoles de l’époque. Et puis il y a eu “My spanish heart” de Chick Coréa. Il faut savoir que la Martinique baigne dans une ambiance musicale très variée ou la diversité des rythmes cotoie souvent richesse harmonique, et ce disque là, c’était tout ça. C’est à partir de là que j’ai beaucoup écouté des choses très acoustiques, des choses très sucrées aussi, comme Earl klugh, Bob James… Ca m’a repris avec un groupe d’amis quand j’était étudiant à toulouse. On jouait les audiophiles, et tout l’argent que nous envoyaient nos parents était investi dans des amplis, enceinte acoustiques, platine d’occasion, ou qu’on fabriquait (enfin qu’ils fabriquaient parce que moi j’étais nul). C’était une période plus “soul” ; Benson, jarreau, puis on est revenu à Miles “époque Gil Evans”, le must, puis Dizzy, King Cole J’allais autant que possible voir  les concerts de jazz à Toulouse, Phil Woods, Dizzy, Wayne Shorter, Tom Harrell, Miles oui c’est vrai J’ai une fascination particulière pour les trompettistes. Aujourd’hui, je n’écoute presque plus que ça.

Sinon, professionnellement, tu t’es choisi un “vrai métier” ? Lequel ?

Quand à mon parcours professionnel, j’ai toujours essayé de nier l’évidence. Il faut dire que j’étais doué en math, ce qui faisait la fierté de mes parents. J’ai toujours essayé de ne pas les décevoir. Mais ça ne m’a jamais vraiment intéressé. Après un Deug de math obtenu avec un absentéisme quasi total je me trainais en licence de Mécanique quand un copain m’a suggéré de faire une école de commerce. Il paraît que j’ai une sorte de charisme, de contact avec les gens. Je l’ai suivi, ai fait une Ecole de marketing international pour finir à Paris dans la vente. Mais tout était comme avant. Le matin au bureau, et la journée devant mon ordinateur chez moi à travailler, à composer. Au bout d’un moment ma femme m’a conseillé d’arrêter, de faire ce qui me plaisait, je devenais…irritable. J’ai arrêté. J’étais pas mal pourtant, 6ème vendeur France (sur 150 quand même). Et depuis mon métier, c’est la musique, et que, la musique.

Raconte moi la genèse de cet album sur Cole Porter ?

Cet album s’est fait un peu par hasard. A ce moment là je travaillais sur d’autres choses, mais l’idée de revenir à la scène avec un choeur d’homme, me taraudait. C’était il y presque deux ans, à une époque où il m’arrivait souvent de chanter les standards dans les clubs. J’ai donc pensé à Cole Porter, mon préféré. Sa musique est facile à chanter, fluide, et en même temps sophistiquée, intelligente. Je pense que c’est le plus grand compositeur de musique “pop”, au sens de “populaire”, du XX ème siècle. Et puis il y a les textes. Le choix des sonorités, le découpage, les métaphores, et surtout l’humour, qui manquait souvent et qu’il a introduit jusque dans les chansons d’amour.

Comment as-tu travaillé ?

Je me suis dit “pourquoi ne pas adapter ses chansons uniquement pour des voix ?” J’ai relevé le défi. Sachant la difficulté à réunir quatre chanteurs, j’ai écrit les arrangements et me suis mis à enregistrer les voix, au début pour voir ce que ça donnait, et à mesure que ça avançait, tout devenait évident. Le seul problème est que je n’arrivait pas à chanter la voix la plus grave. Alors j’ai eu  l’idée de faire appel à un contrebassiste. J’en ai parlé à Pierre Boussaguet qui m’a paru au départ un peu sceptique. Je lui ai laissé un CD de ce qui était déjà fait. Il m’a rappelé le lendemain emballé. C’était parti. C’est même lui qui m’a proposé une fois tout en boite , d’enregistrer en duo “anything goes”, et “Get out of town. L’enregistrement s’est très bien passé, ainsi que toute la production, en parti grâce à mon ami ingénieur et co-réalisateur du projet ; Julien Hulard. Quel talent ! J’ai hâte de remettre ça.

Tu prévois de faire une série ?

Je voudrais que ce soit une trilogie. Pour le deuxième je rêve de faire Antonio Carlos Jobim. Le maître de la bossa nova pour voix et contrebasse. Tout un programme. Et pour finir Harold Arlen dans le même concept. Ce type est un autre génie. Je commence à travailler sur Jobim, tout doucement car les journées ne font que 24 heures. Heureusement j’ai pris un peu d’avance et ai déjà enregistré un album de chansons originales  que je compte sortir d’ici un an.

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Jean-Marc Grosdemouge