Joey Starr "Mauvaise réputation"

Joey Starr "Mauvaise réputation"

   Séparé de son vieux comparse Kool Shen, avec qui il fait les beaux jours du rap français dans les années 90 avec NTM, Joeystarr est désormais père. Il vient d’enregistrer un album solo. Avant de le sortir, il vient de faire le point sur sa vie, dans un livre. C’est l’occasion pour lui de montrer que derrière sa mauvaise réputation, souvent entretenue par le manque de connaissance qu’on a du bonhomme, il y a un être bien plus complexe que les clichés ressassés par quelques médias complaisants.

Mauvaise-reputation livre   Plutôt que d’attendre qu’une biographie sorte sur lui (“la manière dont certains parlent de moi sans me connaître m’écoeure”), notre homme préfère mettre les pendules à l’heure lui même. Car depuis plus de dix ans, on en a entendu des choses sur le rappeur antillais. Il faut dire que si sur scène, Jaguar Gorgone est bouillonnant, sa vie privée fut tout aussi mouvementée, et fit parfois les choux gras des gazettes.

   Bien que ce soit un journaliste (et un rockeur en plus) qui tienne le stylo (si le livre est écrit à la première personne, on sait que Philippe Manoeuvre a interviewé Joeystarr et a retranscrit ses propos), c’est bien d’une autobiographie qu’il s’agit. Et le rappeur, jusque là si secret (il a toujours su rembarrer ses interlocuteurs qui s’aventuraient dans le domaine de l’intime) se livre comme jamais. De son enfance à la Cité Allende de Saint-Denis en compagnie d’un père pas facile à la rupture avec Kool Shen en passant par l’armée, le déboires avec la drogue, les petits larcins, Didier Morville n’élude rien : ni les coulisses du métier, ni les démélés judiciaires (l’hôtesse de l’air, le singe baffé, Janice mais aussi le fameux concert de la Seyne sur Mer) puis la prison, ni les copines. Avec ses mots, avec son style (direct), le patron du label B.O.S.S. et de Com8 (quoique là aussi il y a embrouille) explique tout, et fait le récit d’une vie pas toujours marrante. Mais qui a son exutoire : la scène. S’il avoue ne pas être fana des studio, en revanche Joeystarr et la scène, c’est une histoire d’amour. “Je ne veux pas louper un concert, confie-t-il. Je veux être fulgurant tout le temps.”

   Les dernières pages, où Joyestarr analyse la société, entre crise des banlieues, devoir de mémoire (il aide l’association qui porte le même nom) et montée du communautarisme confirment ce qu’on savait déjà, sous la carapace de gros dur tatoué, il y a un écorché, un vrai. “Il y a des gens qui ont une carapace pour cacher le vide. Moi, sous ma carapace, je cache des doutes et des choses complètement humaines.” Un jour, après que Thierry Ardisson ait écrit un article à son propos qu’il trouva déplaisant, Joey Starr a couru dans la rue après lui en criant “tu la connais ma ganache ?” Maintenant, oui, on la connait sa ganache.

Jean-Marc Grosdemouge

“Mauvaise réputation”, edi Flammarion, 307 pages, 2006.

Jean-Marc Grosdemouge