Lizz Wright, le goût du sel

Lizz Wright, le goût du sel

Si jeune et déjà éblouissante. Pour son premier album, la Géorgienne Lizz Wright, vingt-trois ans, sort le grand jeu. Et s’en va tutoyer les Shirley Horn, les Ella Fitzgerald et les Billie Hollyday.

Sûr que le Seigneur est son copilote : “Walk with me, Lord”, titre issu du répertoire traditionnel, figure sur cet album. A l’écoute de “Salt”, on ne doute pas une seule minute que le swing est son credo, et la soul son confiteor. Il faut dire que Lizz a un père pasteur, et que sa mère chantait du gospel à l’office.

Lycéenne, elle participe à la chorale de l’établissement, fait des études secondaires à Atlanta, puis s’installe à Macon (la ville natale de Little Richard), et n’hésite pas à faire souvent de déplacement vers la capitale Atlanta, pour y écouter du jazz. Participant aux jams, elle est répérée et intègre un groupe local, qui la fera connaître plus largement, In the Spirit. Père pasteur, mère chanteuse de gospel, un groupe qui s’appelle “In the Spirit” : le mot esprit lui semble être destiné depuis toujours. C’est en juillet 2002, alors qu’elle participe à un hommage à Billie Hollyday sur une scène de Chicago que la presse la découvre. Le journaliste Howard Reich, du “Chicago Tribune” note sa “spiritualité” et son “feeling” dans le compte-rendu qu’il fait de ce concert. La rumeur monte, et Lizz entre en studio, avec l’aide du producteur Tony LiPuma, du batteur et compositeur Brian Blade (qui signe aussi le titre “Lead the way”) et l’arrangeur John Cowherd.

Sur cet album, qui commence par un titre ébouriffant (“Open you eyes, you can fly”, chanson de Chick Corea et Neville Potter) et finit sur une ballade où il est question de silence, Lizz Wright rend un hommage vibrant à la musique black sous tous ses aspects, et interprète pas moins de cinq chansons personnelles, mais aussi “Afro Blue” de Mongo Santamaria et Oscar Brown Jr., et du Rachmaninov (“Vocalise”). C’est lors de ses ballades soul (“Eternity”, ou “Soon as I get home”, ce dernier étant un extrait de la comédie musicale “The Wiz”) que cette chanteuse au contralto si émouvant est meilleure que tout, en un mot : magique.

Lizz Wright fait preuve d’une maîtrise et d’une fraîcheur rarement vue. Ici, la maturité du style se conjugue avec le bonheur de faire découvrir tout son univers sur (répetons-le encore) un premier album. En cas de vague à l’âme, écoutez ce disque chaque soir avant le coucher, et vos rêves seront peuplés d’êtres merveilleux qui chanteront pour vous de sublimes chansons, comme le fait Lizz Wright sur “Salt” (“le sel”). Elle y écrit que quand vous chantez une chanson depuis longtemps, elle fait partie de vous, et que la vie ne peux vous l’enlever. Lizz a sûrement entendu son père dire en prêche que “Dieu est le sel de la terre”, et l’applique au jazz, par ses mots et sa façon de chanter. Quand elle chante, on croit s’approcher du bon dieu.

salt

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Jean-Marc Grosdemouge

Lizz Wright “Salt”, 1 CD (Verve/Universal), 2003

Jean-Marc Grosdemouge