Mùm “Yesterday was dramatic, today is okay”

Mùm “Yesterday was dramatic, today is okay”

On aurait du s’en douter : après les Sugarcubes, Björk, Gus Gus et plus récemment Sigur Ròs, cette terre lointaine qu’est l’Islande est tentée de continuer à nous envoyer ses plus belles productions. Et elle fait bien.

Peu à peu l’Islande devient beaucoup plus proche de nous musicalement, et l’on se prend à rêver de vols Paris-Reijkjavik plus fréquents, pour aller nous aussi faire le pèlerinage, et savoir ce qui rend le peuple islandais si talentueux.

A défaut de voyager autrement que par la musique, au tour de Mùm d’égayer nos jours et nos nuits avec son electronica élégante et racée, tirée au cordeau. Mum, comme une mummy, une maman qui aurait fait avec amour une petite galette pour son petit dernier, et qui l’offrirait encore toute chaude, sortant du four, ou cuite à même le feu du volcan. Une musique enveloppante, et caressante donc. Certains font dans la taloche, vous envoient dans des friches, vous éduquent à la dure : sons bizarre et limaille sonore au menu. Ici, la musique fonctionne sur le principe du jardin zen : si l’environnement est pour beaucoup minéral, composé de sons technologique, mais on y trouve de la vie, et en l’occurrence des instruments bien acoustiques, comme l’accordéon, ou des voix bien humaines.

Car Mum va même jusqu’à fredonner : sur le troisième titre, alors qu’on ne s’en n’était même pas aperçu, elle chantait… la musique se fait moins forte, et on l’entend faire “na na na / na na na na.” Il y a quelqu’un. On n’est donc pas perdu dans un univers sans vie, on est juste chez des musiciens discrets, qui nous laissent flâner à notre guise dans leur jardin. Le son est proche de celui d’Autechre, Boards of Canada ou Pan Sonic : petits bleeps techno, ambiances éthérées, grésillements de machines saupoudrés ça et là. Les mélodies sont hypnotiques : il n’est d’ailleurs pas rare de voir le rythme d’interrompre pour laisser place à une nappe sonore en demie teinte. Musique de rupture donc, au sens propre du terme. L’oreille n’en est pas perturbée : elle se laisse apprivoiser par les sonorités étranges, on entre dans la ronde, et une fois le disque fini, on ne quitte pas la ronde de sitôt. Le silence qui suit la musique de Mùm est encore du Mùm.

Sur l’un des seuls titres vraiment chanté qu’il nous soit donné d’entendre (“The ballad of the broken birdie record”), on assiste même à la rencontre d’une voix dont le timbre et la scansion sont proches de celles de Julee Cruise (la voix de la BO de “Twin Peaks”) avec la techno minimale. Une sorte de rencontre au sommet entre une mélodie si inquiétante qu’elle aurait pu être signée par Angelo Badalamenti (l’homme qui a composé bon nombre de BO de David Lynch) et des sonorités qui ne jureraient pas sur le catalogue de l’écurie Warp. Soit un cocktail de sonorités pour le moins étranges et de bidouillages très modernes, d’instruments et de machines, de rêverie et de certitude. Car on a au moins gagné une certitude : on vient d’entendre une musique comme on en n’entend peu. Sûr qu’aujourd’hui c’est bien, depuis qu’on est tombé sur la musique de Mùm.

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Mùm “Yesterday was dramatic, today is okay”, 1 CD (TMT/La Baleine), 2000

Jean-Marc Grosdemouge