Radiohead : "Avant, nous croyions que le plus important dans la vie, était le business, mais nous avons compris que c'est l’amitié."

Radiohead : "Avant, nous croyions que le plus important dans la vie, était le business, mais nous avons compris que c'est l’amitié."

Chez moi, “O.K. Computer” rime avec “OK Colin”. En effet, en juillet 1997, à quelques heures de leur concert aux Eurockéennes de Belfort, j’ai eu le privilège de rencontrer le bassiste du groupe d’Oxford, et de m’entretenir avec lui de l’enregistrement de “OK Computer”, qui a eu lieu dans une grande demeure anglaise.

Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge

Epiphanies : Quand il décrit le groupe Ed O’Brien dit qu’il faut imaginer Radiohead comme l’ONU, avec Thom dans le rôle des USA. En tant que bassiste, comment vis-tu cela ?

Colin Greenwood : C’est une blague, je pense. Thom est le songwriter principal, il a beaucoup d’importance, mais le groupe est très démocratique. Nous travaillons ensemble, partageons beaucoup de choses. Bon nombre de choses partent de Thom, et nous nous rejoignons pour travailler le son, la structure des chansons.

La force de Radiohead, c’est la cohésion ?

Oui. Nous jouons ensemble depuis quatorze ans, à l’école, puis à l’université, d’abord lors des vacances scolaires. Quand on a signé avec EMI, en 1991, nous croyions que la chose la plus importante dans la vie, c’était le business. On pensait qu’être professionnels, c’était plus important que l’amitié. Mais maintenant, après six ans ensemble, nous avons compris que l’amitié est la chose la plus importante.

Pour l’enregistrement de “OK Computer”, EMI vous a laissé une grande liberté d’action. Cela a dû être à la fois excitant et difficile. Qu’avez-vous fait de cette si grande liberté ?

Trop de liberté, c’est effrayant. On doit avoir des bornes, des barrières. On doit se créer des contraintes, au niveau horaire par exemple. Nous n’avions pas de producteur, donc nous devions prendre des décisions. Nous avons décidé d’arrêter l’enregistrement à l’automne 1996. Le disque a été réalisé à l’automne et est finalement sorti en juin parce que nous voulions partir en tournée. Lors des sessions d’enregistrement, nous avons beaucoup appris les uns des autres.

Nigel Godrich est intervenu en tant qu’ami plus qu’en tant que producteur ?

Nous l’avons rencontré lors de l’enregistrement de “The Bends”. Il a le même âge que nous. Sur “OK Computer”, Thom a essayé de tester quelques façons de chanter qu’il avait expérimentées sur “The Bends” : chanter différement sur chaque morceau. Je sais qu’il est d’humeur sombre, mais nous avons essayé de nous éloigner des problèmes de Thom, d’échapper à la rengaine. Dans les chansons, Thom a cherché à prendre des instantanés, comme avec un appareil photo, avec quelques mots, et pas par une démarche introspective.

Les sonorités sont extrêmement diverses et richement travaillée sur cet album…

Nous essayons des choses différentes sur chaque album. “The Bends” est vraiment bien, mais cet album est encore meilleur car il regoupe beaucoup de styles différents. Nous avons essayé de travailler avec des ordinateurs et avons utilisé des rythmes à la DJ Shadow. Sur “Climbing up the walls”, on s’est inspirés de Massive Attack. L’influence de Sparklehorse a été très importante sur ce disque, notamment sur “No surprises”.

Il paraît que vous avez pas mal écouté l’album “What’s going on” de Marvin Gaye pendant l’enregistrement ?

Nous adorons la soul : des gens qui sont dans une seule pièce et qui jouent ensemble. Nous avons cherché ce genre d’ambiance, un peu à la Portishead, sur “Exit Music (for a film)” (le groupe jouait dans la salle de bal de St Catherine’s Court, tandis que Thom chantait dans l’entrée glaciale de la demeure, NDR).

Es-tu d’accord avec Thom quand il dit “je ne serai heureux que quand nous vendrons des millions d’albums” ?

Je pense qu’il plaisantait. C’est sympa de vendre des disques, parce que le succès ça intéresserait n’importe qui. Cela signifie que nous pouvons continuer à faire de la musique en toute indépendance. Nous nous sommes acheté un studio mobile qui coûtait 80 000 livres sterling. On n’est pas Pink Floyd : on ne collectionne pas les voitures de luxe. (rire)

Jean-Marc Grosdemouge