Vincent Delerm "Vincent Delerm"

Vincent Delerm "Vincent Delerm"

Dans la famille Delerm, je voudrais le père… Je l’ai ! Philippe Delerm, l’auteur un peu cucul-gnangnan de “La première gorgée de bière.” Mauvais pioche. Dans la famille Delerm, je voudrais le fils… Je l’ai ! Comme son père, Vincent croque de petits instants de vie. Sauf que lui c’est en musique, sur album et accompagné au piano. Bonne pioche.

Qu’il raconte la photo de Fanny Ardant dans son cadre (intérieur Ikéa, la marque est citée), la visite au zoo, le rendez-vous avec une ex (deux fois par an) ou la viste aux beau-parents de sa bien aimée, Delerm fait mouche à chaque fois. Ce sont des petites vignettes, pleines d’humour. De l’humour, Vincent Delerm n’en manque pas : ce printemps, à l’Européen, où il partageait l’affiche avec Jeanne Cherhal, entre les chansons, une bande-son diffusait un enregistrement de sa voix, sensée dire tout haut ce qu’il pensait tout bas. Sur cet album composé de petites vignettes, il y a Irène Jacob (sur “Cosmopolitan.”) Il y a des références à Ikéa et “Cosmo” (on l’a déjà dit”), à “France Inter”, “Figaro Madame”, “Libé” et “Télérama”, Savane (celui qui fait des miettes sur le canapé en velour, en velour hein le canapé), les opel Vectra, Thalassa, et ça, ça rappelle son père (ouille !). Enfin passons. Il y a quelques sommets sur ce premier album. Des sommets comme “Deauville sans Trintignant” (avec un extrait d’un homme une femme”), et surtout “Châtenay Mallabry.”

On connaissait “Vienne” de Barbara : l’histoire d’une femme qui écrit à son mari qu’elle a quitté pour se réfugier dans la capitale autrichienne et à qui, finalement, elle demande de venir la retrouver. Delerm lui, signe une chanson du neuf-deux : l’histoire se déroule dans les Hauts de Seine, dans la coquette ville de Châtenay-Mallabry. Une chanson qui donne le haut le coeur : une femme écrit à quelqu’un (une amie) pour lui parler des dernières vacances de Noel, pendant lesquelles leurs enfants sont venus leur rendre visite. Comme chez Barbara, c’est méalancolique, poignant, on s’arrête sur les détails insignifiants (les guirlandes de Noël, le poulet, la truite aux amandes), et pourtant ça prend aux tripes. Et ça ne peut pas faire autrement que prendre aux tripes. Delerm a autre chose en commun avec la Dame en noir : une voix peu commune. Une voix grave, profonde, une voix de gorge, tendance Gainsbourg ou Miossec. Une voix à laquelle il faut s’accommoder.

En tout cas, l’examen de passage est réussi pour l’entrée dans le cercle des chanteurs français auxquels on peut s’intéresser sans rougir. Après une critique emballée, le public a également craqué sur Vincent Delerm, notamment dans les festivals d’été. Et on ne peut que lui donner raison.

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Vincent Delerm “Vincent Delerm”, 1 CD (Tôt ou Tard Warner), 2002

Jean-Marc Grosdemouge