“Watani my homeland” sur les pas d’une famille de réfugiés syriens

“Watani my homeland” sur les pas d’une famille de réfugiés syriens

Dans la première séquence de ce film (qui est aussi la première du trailer visible ci-dessous), on voit une petite fille marcher dans les rues de Goslar, en Allemagne. Elle est très brune, joue avec sa queue de cheval sur le chamin de l’école mais une fois dans la cour, salue un camarade d’un “halo” bien germanique. On vient de faire connaissance avec l’une des filles d’une famille syrienne.

Flashback, comme dans les grands films (“Citizen K”, “Cinema Paradiso”, “Casino”) : deux ans auparavant, voici la même petite fille avec ses deux soeurs, et son grand frère dans ce qu’il reste d’Alep. La mère veille sur les gamins. Le père combat les troupes d’El Assad, en bas de l’immeuble, dans ce qu’il appelle le “front oublié”, un front pourtant stratégique pour verrouiller la ville. Et l’on entre de plain pied dans l’horreur de la guerre : faire attention aux snipers dans la rue, les bombes qui tombent tout près, les bruits d’armes. Les petites racontent, parfois sur un ton badin, les horreurs qu’elles ont vues, comme quand un ami de son père a eu la tête éclatée en maniant une bombe. Oui, elle l’a vu de ses propres yeux, à un âge ou d’autres enfants se couchent dans des draps bien bordés après avoir regardé un dessin animé à la télé.

Parfois, l’une s’interrompt dans son propos après qu’un fracas ait retenti : “c’était pas loin” et de poursuivre avec le ton de celle qui connait : “c’est une roquette de char, elle n’a pas explosé. On frissonne. On est ému de voir la plus grande des filles faire l’école aux autres, et l’on suit les combat du père, Abu Ali. Fondu au noir et l’on retrouve la famille quelques mois plus tard : le père a été trahi par ses amis, et livré à Daesh. Nul ne sait q’il est mort ou pas. Tout le monde croise les doigts. Et la mère, Hala, prend la décision de fuir le pays avec ses enfants, d’abord en Turquie puis, après obtention d’un visa, pour l’Allemagne, qui accueille les réfugiés Syriens.

Et l’on suit l’installation de la famille à Goslar, les premières leçons d’allemand, et le début de dépression de la mère, toujours sans nouvelles du père. On lui envoie parfois une photo d’un homme trouvé mort, des fois que. Sur l’écran d’ordinateur, en fumant sa clope, Hala détaille : non, ses cheveux ne sont pas de cette couleur, ces narines sont moins grandes, ce n’est pas lui. pour cette fois, ce n’est pas lui. Dans la maison, les fillettes s’amusent, elle jouent même avec des mitraillettes en plastiques, l’une dit même regretter le bruit des bombes, elle était habituée. On dit des choses, parfois, sans les penser vraiment. La plus grande, elle, a abandonné le voile qu’elle portait dans son pays natal, et fait des selfies sur son portable, lèvres peintes en rouge. La famille craint d’être moquée, ou victime de paroles racistes : pourquoi tu es venu chez nous ? on te donne de l’argent. Et pourquoi ta mère, pourquoi  elle travaille pas ?

Beaucoup de gens se disent ; “que font ces gens chez nous ?” Personne ne quitte de gaîté de coeur son pays. Même quand il est en guerre. Mais c’est ça ou mourir. Hala est issue d’une famille relativement aisée il lui a “suffi” d’acheter des billets d’avions pour la Turquie puis de poursuivre en train. Mais pour les autres les conditions de depart sont encore plus drastiques, voire dangereuses. Et quand elles quittent leur pays, l’une des fillettes “On t’aime Syrie, pardonne nous de nous en aller”. Six ans après les manifestations de mars 2011 sévèrement réprimées par le régime Al Assad, ce film remet les choses en perspective : oui l’Europe ne peut rester insensible au sort de ces civils qui vivent une guerre horrible, à quelques heures de chez nous.

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“Watani my homeland” de Marcel Mettelsiefen, 2016.

Jean-Marc Grosdemouge