“Nos années punk, 1977-1980”

“Nos années punk, 1977-1980”

Cette compil, qui accompagne la sortie du livre du même nom chez Denoël X-trême (signé par Christian Eudeline, préface de Laurence Romance). Elle peut être considérée comme un document. Un document qui peut sonner un pu daté, mais un document qui mérite de figurer dans la discothèque de tout mélomane qui s’intéresse un tant soit peu au rock français : ses racines, ses genres, son histoire faite parfois de héros oubliés.

Car, franchement qui se souvient de Gazoline, des Dogs ou d’Electric Callas ? Pas grand monde. Pourtant, on en a retrouvé quelques uns plus tard de ces punks : Kent ou Elli Medeiros, qu’on découvre ici chez Starshooter ou Stinky Toys ont fait les carrières solo qu’on sait.

Les anciens punks ne se sont pas tous reconvertis dans le rock : certains on fait ce qu’on appelle dans le métier des “coups.” Tristan (photo), un ancien des Guilty Razors n’est autre que celui qu’on a connu dans la deuxième moitié des années 80 avec “Bonne bonne humeur ce matin” et “Je veux un bébé”. Et Carlos et José Perez, des mêmes Guilty Razors ont cartonné dans toute l’Europe avec leur titre “Paris latino” (photo), signé Bandolero. Un titre repris par les artistes marketés de “Star Academy 2”. “Les anciens keupons sont presques devenus riches. Un comble non ?” ironise Christian Eudeline, qui présente chaque groupe dans le livret de la compilation. Il est vrai que la formule consacrée est (était ? doit-on encore la conjuguer au présent ?) “punk un jour, punk toujours”. Oui, mais mais pour continuer à être punk, il faut paradoxalement rencontrer un minimum de succès.

Or, peu de groupes punks ont réussi à tenir sur la longueur. Certains sont finalement retournés dans l’anonymat et ont continué à grenouiller… dans la musique ou ailleurs. Peu de noms de groupes punks sont passés à la postérité. Bien sûr, il y a les fameux Bijou et Marie et Les Garçons. Mais aussi, plus surprenant, celui dont l’arrivée sonne un peu le gals du mouvement : le Belge Plastic Bertrand (avec le titre qui a fait le tour du monde et qui est devenu culte aux States “Ca plane pour moi” et “Pogo pogo”). On trouve aussi Taxi Girl (le groupe de Daniel Darc et Mirwais), suivant la volonté du label. Eudeline a transigé, ce qui nous vaut donc la présence de “Cherchez le garçon” et “Les yeux des amants”, deux titres qui n’ont rien de punk. Le punk made in France chance en français mais aussi en anglais (huit titres), et même si certains critiquent trouvent l’écoute de cet album de peu d’intérêt, nous la conseillons vivement aux jeunes générations, afin qu’elles constatent que bien avant Téléphone, bien avant le rock alternatif (Béru, OTH, Garçons Bouchers, Mano Negra, Ludwig Von 88), et avant No One is Innocent ou Noir Désir, la France a connu une vague électrifiée.

Une vague qui, et on le sent le regret dans les notes de livret de Christian Eudeline (à lire absolument), n’a pas tout emporté sur son chemin, mais elle va “ouvrir les bras du grand public à la révolte adolescente de Téléphone et Trust. Ce sont eux les principaux bénéficiaires de cette première vague de mohicans.” Des mohicans “objet d’un culte très fervent.” Un culte que Christian Eudeline (dont le frère Patrick jouait dans Asphalt Jungle, présents sur le disque) sait raviver…

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“Nos années punk, 1977-1980”, 1 CD (Capitol), 2002

dimanche 1er décembre 2002

Bijou “Ok Carole” / Bijou “Betty Jane Rose” / Dogs “19” / Dogs “Here Comes My Baby” / Asphalt Jungle “Poly Magoo” / Asphalt Jungle “Love Lane” / Stinky Toys “Boozy Creed” / Stinky Toys “Plastic Face” / Metal Urbain “Panik” / Metal Urbain “Hystérie Connective” / Starshooter “Betsy Party” / Starshooter “Quelle Crise Baby” / Marie Et Les Garçons “A Bout De Souffle” / Marie Et Les Garçons “Re-bop” / Gazoline “Killer Man” / Gazoline “Radio Flic” / Guilty Razors “Provocate” / Guilty Razors “Don’t Wanna Be A Rich” / Plastic Bertrand “Ca Plane Pour Moi” / Plastic Bertrand “Pogo Pogo” / Electric Callas “So Chic” / Electric Callas “W S B” / Taxi Girl “Chercher Le Garçon” / Taxi Girl “Les Yeux Des Amants” 

Jean-Marc Grosdemouge