Matmos “The Civil War”

Matmos “The Civil War”

Etonnants Matmos ! Eux que l’on a connus en chirurgiens du son (ils intégraient des sons d’opérations de chirurgie esthétique à leur musique sur “A chance to cut is a chance to cure”) se plongent dans les atmosphères du Moyen Age britannique et du folklore américain du XIXème siècle.

L’histoire de cet album commence le jour où Drew Daniel et MC Schmidt accompagnent le fiancé accompagnèrent le harpiste Zeena Parkins (qui, comme eux, a joué sur le dernière tournée de Björk) et son fiancé lors d’une vente aux enchères d’instruments anciens chez Sotheby’s. Ils y ont découvert des instruments aux noms, aux formes et aux son étranges, et ainsi leur nouvel album est peuplé de vielle à roue (“Regicide”, et une flute qu’on croirait irlandaise, ou “Zealous Order of Candied Knights” qui intègre aussi du tuba), de marches militaires pimentées de déflagrations électroniques. “Reconstruction”, sur lequel David Grubbs est invité à jouer du piano et à poser sa voix, et où Jim Putnam (Radar Bros) vient jouer de la guitare commence par du tambour, auxquels viennent s’acoquiner quelques jerks électroniques, et finit de manière un peu blues, au bout de neuf minutes.

La description de ces quelques titres peut surprendre. Eh bien la suite va vous faire tourner la tête : on entend aussi sur “The Civil War” de la trompette et du banjo (“The stars and stripes forever” commence par des son un peu “Mario Bros” pour finir en fanfare, et utilise, comme le précise la pochette, des dizaines de sons), de l’autoharpe (“Yield to total elation”, “For the trees (return)”) ou du violon (“For the trees”, dans le genre country antique). Tout cela est concassé, malaxé, mélangé et resservie ensuite dans des morceaux où plusieurs idées cohabitent souvent.

C’est un tel fatras d’instruments acoustiques et électroniques (synthés, samples, séquenceurs), mais aussi d’influences qu’on ne sait plus si l’on est dans la musique celtique, le blues primitif, la country dépouillée (“The struggle against unreality begins”) ou le rock version électronique. On est tout simplement chez Matmos, dans une expérience sonore qu’il est plus agréable de vivre (car elle déboussole tout en vous laissant apercevoir des repères) plutôt qu’à décrire. En tout cas, c’est album qui commence dans une ambiance de défilé de bagadou (rythmique de marche forcée) semble se finir par une ballade buccolique dans un champ du sud des Etats-Unis.

Ce genre de paradoxe n’a rien d’étonnant de la part de ces érudits (“Zealous Order of Candied Knights” est une référence au viennois Otto Mühl, artiste actionniste) puisqu’ils sont capables en l’espace de deux albums de passer de l’ultra-technologie aux références historiques. Après avoir fait leur la devise des chrirurgiens (“Tout ce qu’on coupe ne risque pas de s’infecter”), Matmos font mentir le vieil adage selon lequel la curiosité est un vilain défaut.

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Matmos “The Civil War”, 1 CD (Matador/Beggars), 2003

Regicide / Zealous Order of Candied Knights / Reconstruction / Yield to total elation / For the trees / The stars and stripes forever / Pelt and Holler / The struggle against unreality begins / For the trees (return) 

première publication : lundi 17 novembre 2003

Jean-Marc Grosdemouge