Brigitte Fontaine "Rue Saint-Louis en l’île"

Brigitte Fontaine "Rue Saint-Louis en l’île"

“Je vis à Los Angeles par ce que je fais du cinéma. Si j’étais dans le nougat, je vivrais à Montélimar” disait le regretté Jean Yanne. Brigitte Fontaine est une amatrice de nougat (elle reprend son tube en compagnie des frères Amokrane de Zebda sur ce nouvel album), et comme elle est dans la chanson, elle vit à Paris, sur l’île Saint-Louis. Pourquoi donc ne pas en faire le titre de son nouvel album ?

C’est un secret de polichinelle : comme Georges Pompidou et Camille Claudel autrefois, comme Georges Moustaki, Brigitte est une Ludovicienne. Elle a donc choisi d’appeler son album du nom de sa rue de résidence. Un peu comme si Daho… non, je ne vous donnerai pas la rue du bel Etienne.

Après un “Kékéland” qui avait tout du parc d’attraction (elle y recevait de nombreux invités : Archie Shep, -M-, Sonic Youth, Noir Désir), elle se replie dans cette île, minuscule, discrète, un peu bohème, plutôt bourgeoise. C’est en compagnie de Gotan Project (musique d’Astor Piazzola) qu’elle chante sa rue, ou de son compagnon Areski Belkacem qu’elle chante “Le voile à l’école”.

Sur des chansons rock avec pas mal de programmation (donc modernes, et à mille lieues de la nouvelle chanson française qui joue de la fanfare ou de la guitare trois accords), elle chante les mérites comparés de la Veuve Cliquot et de Johnny Walker, ou ceux de “Betty Boop en août”, invitée à aller “prendre ses gouttes”, reprend “L’homme à la moto” ou rend hommage à Simone de Beauvoir.

Quand elle n’est pas sur son île, Brigitte est au Cap Fréhel. Cela valait bien une chanson. Sur cet album, les textes sont aussi frappés que ceux du livre “Galerie d’art à Kékéland”. D’ailleurs, voilà ce qui nous plait tant chez cette zazou moderne : tout mérite une chanson. Fontaine n’a pas de “petits” ou de “grands sujets”. Elle chante son univers, et l’on a plaisir à le visiter avec elle.

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Brigitte Fontaine “Rue Saint-Louis en l’île” (Virgin/EMI), 2004

première pubication : jeudi 2 septembre 2004

Jean-Marc Grosdemouge