CharlElie Couture "Double vue"
“Double vue” est un titre qui sied bien au Nancéien Bertrand Charles Elie Couture. En même temps, “double”, c’est un peu court jeune homme. Car monsieur Couture, observateur avisé du monde, a plus d’un regard sur notre monde. Pas étonnant puisque quand il n’exerce pas ce regard en chansons, il manie fort bien les pinceaux.
Ici, CharlElie laisse la musique à Dombrance, et il se charge des paroles. Il s’interroge sur la nature de l’homme (il le dit même textuellement) et sort son carnet d’esquisses pour croquer sur ces chansons aux arrangements ultra modernes le monde dans lequel nous “évoluons”, comme des poissons dans leur aquarium. C’est par exemple la guerre technologique (“Killer zoom zoom”) ou les peurs (“Appel à l’aide”) véhiculées par les médias et les gouvernements : anthrax, antisémistisme, cancer, SIDA, prion, nucléaire… c’est un triste inventaire à la Prévert-pervers.
Les thèmes dont la plume de Couture s’empare, ce sont encore la génétique (“Eugène le gène”) ou la disparition de fillettes, puisque “Estelle a disparu” fait référence à l’affaire Estelle Mouzin, dont on connait tous le visage pour cause d’affiches placardées partout. Quand CharlElie opère un repli sur l’intimité, c’est sur le balcon d’un appartement proche de la place de la Nation (place chère à votre serviteur) que cela se passe. On croit l’avoir localisé. Mais l’oiseau a déjà filé. On lui a envoyé un mail… il y a répondu de New-York. On reconnait le tube dance “Put your hands up in the air” au hasard d’un titre (“Moit’ moit’”) et “Flying message”, morceau sur lequel il apparaissait dans l’album de Gregsky “Pulse” (voir notre article) se trouve ici, en fin de play list.
A écouter Charlélie sur quelques titres, comme “Je meurs d’en vie”, on se dit que si Gainsbourg avait moins bu et plus regardé le monde, il aurait peut-être signé de jolies chansons, car si cette chanson rappelle “Aime moi encore au moins” (qui fit sa petite sensation à la fin des années 80), le chant sussuré de monsieur Couture évoque celui de Gainsbarre à sa Lola Rastaquouère. Mais Gainsbourg s’est abimé, et a sombré dans le jeu de mot facile et le graveleux télévisé. Charlélie a un organe grave et une diction nonchalante qui rappellent l’Homme à Tête de Chou. Certes. Mais il les met au service d’une sorte de conscience globale. Il groove son envie d’être un “Imbécile heureux”, mais il n’y arrive pas, et c’est tant mieux. La dernière publicité télévisée qui vante les mérites de ce nouvel album nous le montre au prise avec des personnes qui lui chantent “Comme un avion sans aile” d’une voix nasillarde, et il s’en offusque. Il a bien raison. Quoiqu’être confondu avec Xavier Couture serait pire encore. Ce nouvel album, comme pas mal de ceux sortis depuis (on se rappelle de “Victoria Spirit”) devrait l’aider à prouver qu’il est bien plus que l’auteur de ce single.
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CharlElie Couture “Double vue”, 1 CD (Wagram), 2005
première publication : mardi 8 mars 2005
Killer zoom zoom / Appel à l’Aide (Les Peurs) / Imbécile heureux / Gangsters / Ballade en ruine / Eugène le gène / Sers toi de moi / Moit’ moit’ / Estelle a disparu / Tourne en rond / Je meurs d’en vie / Flying message Rmx