Lizz Wright “Dreaming wide awake”
Quand on a craqué sur l’album “Salt”, sorti fin 2003, qu’on a rencontré Lizz Wright en interview (voir notre article), dit tout le bien qu’on pense d’elle dans un magazine féminin, acheté l’album à sa petite amie, et écouté, réécouté l’album en pensant à cette petite copine envolée depuis, on n’ouvre pas la celophane de ce deuxième album sans avoir le coeur qui bat. Mieux : on l’ouvre comme une enveloppe sur laquelle on a reconnu l’écriture d’une amie, une enveloppe qui contient une lettre avec ces nouvelles qu’on attendait depuis si longtemps.
Ça ne tient à pas grand chose une idée créative. Parfois, il suffit de prendre un taxi pour que votre deuxième album prenne une tournure différente de celle du premier. Pour Lizz Wright, auteur d’un premier album renversant, l’écoute de “Angel” de Sarah McLachlan dans un tacot sur Peach Hill Street à Atlanta, fut un révélateur. “Rêver les yeux ouverts” : on ne pouvait trouver meilleur titre pour cet album appelé à enchanter nos jours, nos nuits, nos jours, nos nuits et ainsi de suite. Entre les compositions, signées Chocolate Genius ou par Lizz elle-même, se glissent une chanson pour enfants (“Wake up, little sparrow” invite à “se réveiller” mais fonctionne comme une berceuse), la reprise du “Old Man” de Neil Young ou celle d’une chanson écrite par Elvis Costello pour sa femme Diana Krall (“Narrow daylight”), l’Américaine noire, qui décidément, n’a rien mais rien à voir avec la Canadienne blonde, nous met à nouveau le coeur sur un petit nuage, grâce à sa voix si magique. Elle est même encore plus épanouie, cette voix : plus caressante, plus douce, puisque les orchestrations se font plus discrètes. Ce ne sont que des branchages agencés par le producteur Craig Street (Cassandra Wilson, Meshell Ndegeocello), qui forment un petit nid douillet et accueillant pour cet oiseau céleste. Un écrin délicat qui n’est là que pour permettre à cette voix pourtant puissante de se reposer. Certains titres de l’album “Salt”, comme le titre d’ouverture “Open your eyes, you can fly” témoignaient de la capacité de l’organe de Lizz à être conquérant, même si sa voix, au maximum de sa force, garde toujours sa grâce. Sur cet album, cette force, Lizz a décider de la laisser se reposer. De ne jouer que sur la puissance de l’évocation. De privilégier force intérieure (on la sent en Lizz en la croisant pour de vrai) sur les démonstrations de force, aussi réussies soient elles. C’est donc une voix encore plus enjôleuse qu’avant qui captive l’auditeur de titre en titre.
On espérait un album aussi bon que “Salt” ? Eh bien l’on a non seulement un album aussi bon, mais celui-ci transcende encore ce qu’on pensait savoir de mademoiselle Wright et de son art de chanter. Elle a une manière de faire vivre ses ballades qui est purement génial. Dans ces chansons lentes et précieuses, qui diffusent une douceur et une sérénité rares, Lizz Wright chante avec une émotion à fleur de peau. Une émotion palpable, comme on en n’entend peu. Sur scène, il semble que ses mots sortent d’elle par on ne sait quelle force mystérieuse, et sur disque également, elle semble chanter pour chacun. Voilà bien un album qui aide à rêver les yeux ouverts, en effet.
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Lizz Wright “Dreaming wide awake” (Verve Forecast/Universal)
mardi 26 juillet 2005
A taste of honey / Stop / Hit the ground / When I close my eyes / I’m confessin’ / Old man / Wake up, little sparrow / Chasing strange / Get together / Trouble / Dreaming wide awake / Without you / Narrow daylight