Yoshiko Kishino “Praha”

Yoshiko Kishino “Praha”

Le Japon est un pays bourré de paradoxes : c’est à la fois celui où la technologie est la plus en avance (il suffit de voir écrit “conçu au Japon” sur un objet pour que cela soit un gage d’extrême qualité) et celui dans lequel le respect des coutumes ancestrales est le plus élevé. Un autre paradoxe, musical celui-là, veut que cet archipel, célèbre pour ses factures d’instruments de musique (et notamment de claviers) importe peu de ses artistes… On ne jouera pas au jeu de “citez moi autant d’artistes japonais” que vous connaissez, car après Cornelius, DJ Krush, et Ken Ishii (et encore, ce sont des artistes plutôt pointus), on va tourner en rond, citer des Américains d’origine japonaise ou -pis encore- des asiatiques qui sont tout sauf Japonais !

Voici donc une pianiste japonaise (on se lève et on incline doucement la tête, les mains jointes, en signe de bienvenue) nommée Yoshiko Kishino, qui donne de ses nouvelles sur disque. Mêlant quelques reprises (“Tristesse” de Frédéric Chopin, “Blue in green” de Mile Davis, “Some other time” de Leonard Bernstein) à ses compositions personnelles, Yoshiko qui a enregistré à Prague, s’essaie au “Going home” d’Antonin Dvoràk. Un hommage à Smetana n’aurait pas été fortuit, puisqu’à Prague coule la Moldau, que le compositeur a célébrée dans l’une de ses plus célèbres pièces. Appellez la Caisse d’Allocations Familiales ou les Assedic et vous avez de grande chances de l’entendre, à moins que ce ne soient les “4 saisons” de Vivaldi. Quant à Prague, tous les amoureux qui ont la chance d’y passer un week end à se bécoter sur les bancs publics vous le diront : c’est follement romantique ! A l’exception de trois titres (“Ashioto” : piano et cordes, “Blue in green” : en duo avec la contrebasse, et “Going home”, joué solo), tous les morceaux sont articulés autour d’une base trio (George Mraz à la contrebasse, Pavel Zboril à la batterie), et enregistrés en compagnie d’une imposante section de cordes locales. La structure en forme de concerto (cordes et piano se répondent) de certains morceaux les fait littéralement décoller.

Si on peut comparer les compositions la pianiste à celle de Joe Hisaishi, compatriote de Yoshiko et auteur de la B.O. Du “Voyage de Chihiro” (notamment sur le “Kagerou”, épatant), ou à celles de l’Ecossais Craig Armstrong, Yoshino Kishino développe un style personnel : plutôt que de tricoter des notes serrées, mademoiselle Kishino quadrille l’espace élégamment, avec émotion, et son smooth jazz est convaincant. Si elle cherchait à créer un jardin zen à Prague, la greffe pratiquée par les fines mains de mademoiselle Kishino a parfaitement réussi.

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Yoshiko Kishino “Praha”, 1 CD (Emarcy/Universal Jazz), 2005

dimanche 10 juillet 2005

Forest Rain / Moldau No Kaze (The Wind Of Moldau) / Kagerou / Oasis / Ashioto / Just Before The Light / Oyasumi / Blue In Green / Some Other Time / Etude Opus 10-3 / Going Home

Jean-Marc Grosdemouge