Mark Murphy “Once to every heart”
On vit quand même dans un monde de fous. Pensez donc qu’Ella Fitzgerald a dit d’un chanteur “c’est mon égal” et que l’on ne connaissait même pas le nom dudit chanteur. Cet homme béni des dieux (recevoir un compliment d’Ella, voilà qui doit faire pousser des ailes), c’est Mark Murphy, crooner félin et inspiré, dont la voix, quelque part entre Scott Walker, Johnny Hartmann et Nat King Cole, nous emmène en ballade au pays des songes. Imaginez Big Apple, un trottoir mouillé, les réverbères, les taxis jaune. Ou une maison de campagne dans le Vermont, sous des flocons de neige, et le feu qui crépite. Bien sûr, sur des orchestrations veloutées où s’épanouit une trompette délicate, Murphy ne pouvait que chanter l’amour. Et il le fait, tel un vieux renard madré (pelage argenté) à qui on ne la fait pas quand il s’agit de pousser la chansonnette et de faire, par la même occasion, chavier le coeur des femmes. On ne lui demande d’ailleurs pas de prendre position dans ses chansons sur la prolifération nucléaire ou sur le réchauffement de la planète. Même si, encore une fois, il y a quelque chose qui cloche dans ce monde de fous : comment se fait-il qu’on ne découvre qu’aujourd’hui cet organe d’exception ?
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Mark Murphy “Once to every heart”, 1 CD (Verve/Universal), 2005