Stereolab “Fab four suture”

Stereolab “Fab four suture”

C’est toujours pareil, chaque année, l’hiver nous met dans un état de douce torpeur. Et quand il ne veut pas en finir comme c’est année, on en deviendrait presque dépressif, à ne plus sortir dans les concerts, à rester chez soi pour télécharger en pargailles des MP3 qu’on n’a pas le temps d’écouter. Et le soleil revient, les filles enlèvent les gros manteaux, les terrasses sont accueillantes, et en plus Stereolab sort un album.

Celui-ci compile les six derniers singles du groupe. 6 fois 45 tours = 12 titres à raison d’un par face. Douze titres où la voix de fer blanc de Laetitia Sadier côtoie le cuivre d’un cor, où la pop est chromée, rutilante, hardi petit… Comme le miracle des bourgeons qui chaque année refleurissent, la pop de Stereolab enchante, nous met sur un petit nuage. Un truc pareil, ça vous ferait croire en Dieu. Un peu moins calme que “Margerine Eclipse” (le morceau qui ouvre et clôt ce disque a des allures de marche militaire guillerette), cette nouvelle livraison conserve en tout cas le mur du son un brin tordu qui fait de cette pop tournicoti-tournicota une pâte unique, qu’elle se décline sous les nom de Stereolab ou Monade. Et comme les Fab Four (auxquels le titre fait référence), le groupe cherche toujours à faire son “Sergent Pepper”, à ne jamais tomber dans la redite, à pousser un peu plus loin sa propre limite. Démarche hautement saluable à notre époque qui ne pousse pas toujours les artistes à se remettre en question, mais les incite plutôt à trouver une formule et à la faire breveter, pour ne pas en changer de sitôt.

On a au moins à l’écoute de ce disque trouvé un point commun qu’ont les grands groupes pop, comme les Cocteau Twins par exemple : la voix n’est pas posée sur une musique, mais elle se fond dans cette musique. Tout comme Liz Frazer savait entrelacer ses mélopées avec les instruments de Robin Guthrie et Simon Raymonde, Laetitia Sadier coule sa voix dans le son Stereolab. Et lui imprime sa marque si particulière. Voilà ce qui s’appelle du grand art.

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Stereolab “Fab four suture”, 1 CD (Too Pure/Beggars), 2006

Kyberneticka Babicka Pt.1 / Interlock / Eye Of The Volcano / Plastic Mile / Get A Shot Of The Refrigerator / Visionary Road Maps / Vodiak / Whisper Pitch / Excursions Into “Oh, A-Oh” / I Was A Sunny Rainphase / Widow Weirdo / Kyberneticka Babicka Pt.2

première publication : dimanche 9 avril 2006

Jean-Marc Grosdemouge