Christophe Crenel demande The Police… et Sting
Tout ça parce que leur batteur Stewart Copeland a trouvé le secret du reggae (“la caisse claire est jouée en même temps que la grosse caisse”), les outlandos d’amour de Police ont pu imposer leur reggae de blancs au monde entier. Retour sur une histoire dont les petites phrases assassines ne sont pas exclues.
La recette de Police semble toute simple. D’une simplicité évangélique. Elle est d’ailleurs, livrée au détour d’une page, sans tambours ni trompettes. Sans tambours, quoique : “Sur tous les disques, ceux des Beatles, des Stones et même dans les albums de jazz-rock de Billy Cobham, la caisse claire est toujours frappée sur le deuxième ou le quatrième temps, explique Stewart Copeland, batteur à la frappe redoutable. Le reggae, lui, a complètement changé la donne. Je ne sais pas comment ils s’y sont pris, mais ils font les choses complètement à l’envers… la caisse claire est jouée en même temps que la grosse caisse. C’est vraiment brillant.”
Et histoire de remettre les pendules à l’heure, l’auteur le martèle dès le début de son livre : c’est lui, “le grand (il mesure plus d’1,80 m, NDLR) Stewart Copeland, et non pas Sting qui est à l’origine de la naissance de Police.” Tout a commencé fin 1976 à Newcastle, lorsque le batteur américain est allé assister à un concert du groupe Last Exit, dans lequel Gordon Sumner, dit Sting (“le dard”, tout ça parce qu’il a eu un jour le malheur de porter un pull rayé) jouait de la basse. La suite est connue : six ans de carrière, cinq albums (“Outlandos d’amour”, “Reggata de blanc”, “Zenyatta Mondatta”, “Ghost in the machine” et “Synchronicity”), des tournées mondiales, de l’eau de boudin (au plus fort des tensions, Copeland avait écrit “Fuck you off, cunt” sur ses toms comme un mot doux à l’attention Sting) et une fin jamais officialisée. Dans le trio de blonds peroxydés (une idée qui leur est venue après avoir été décolorés lors du tournage d’une publicité pour un chewing gum), les tensions entre Copeland et Sting ont toujours été légendaires. Même lorsqu’ils se sont retrouvés pour jouer ensemble lors du mariage de Sting, il y a quelques années, ils ont trouvé le moyen de s’engueuler pour des histoires de tempo, rapporte ce livre.
S’il ne se prive pas d’être critique envers la carrière solo de Sting, Christophe Crenel, qui a retrouvé Henry Padovani, le Corse qui fut le premier guitariste de Police avant d’être blackboolé par Andy Summers, donne aussi la parole à Miles Copeland, le frère de Stewart et manager du groupe. Dans son autobiographie “Broken Music”, publiée en France l’an passé (voir notre article), Sting présentait la famille Copeland comme une bande d’arrivistes. “Sting s’arrête toujours avant qu’on ait le temps d’aller au bout de l’histoire, parce qu’il s’ennuie très vite, lâche Miles Copeland, qui fut le manager de Sting jusqu’en 1993. [Il] est comme un alpiniste qui atteindrait le sommet de l’Everest et qui, avant d’avoir pu admirer le paysage, serait déjà reparti dans la descente. (…) Police a été le plus grand groupe du monde pendant une minute et Sting l’a dissous. J’aurais aimé qu’il le reste au moins pendant une heure”. Voilà ce qui s’appelle la réponse du berger à la bergère.
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Christophe Crenel “The Police et Sting”, Editions Librio Musique, 2007, 94 pages.