Benjamin Biolay "Rose Kennedy"

Benjamin Biolay "Rose Kennedy"

La première fois que j’ai entendu Benjamin Biolay, c’était il y a quelques années, un matin, à la radio, dans l’émission “Rien à cirer” de Laurent Ruquier sur France Inter. Il venait de sortir un single fort intéressant, mais malgré cela, on a plus entendu parler de lui. Sa maison de disque avait dû tenter l’essai, on sort un single puis album si ça marche, et il a dû se passer un imprévu.

Mais le talent finit toujours par réussir et les gens talentueux finissent inmanquablement par éclore. C’est juste une question de temps. On ne me croit jamais quand je le dis, mais j’avais senti du talent chez ce jeune homme. Corinne Joubard aussi : programmatrice à Radio France, elle a présenté Benjamin à Henri Salvador, un peu sur le retour. Ce dernier a enregistré “Jardin d’hiver” et carton ! Salvador n’a pas la reconnaissance du ventre (à défaut d’avoir d’a une belle voix et un rire inimitable), puisqu’il n’a lui même jamais remercié Benjamin sur les notes de pochettes de son album, préférant mettre en avant la camarade de Benjamin, “Mademoiselle Keren Ann”. Si le Guyanais a manqué de classe sur ce coup-là, en revanche, on sent beaucoup de classe gainsbourienne dans les oeuvres de Benjamin Biolay.

A voir sa tête pas tellement souriante aux côtés de Keren Ann et de Salvador lors de la remise des Victoires de la Musique, j’ai bien l’impression qu’il ne faut pas chercher cet homme-là. Remarquez, quand on signe un premier album si réussi, des chansons appelées à devenir des classiques, on peut se pousser un peu du col. “Rose Kennedy” est le concept-album réussi de cette année, le disque français de 2001 qu’il faut avoir dans sa discothèque. Sur les “Cerfs Volants” aux réminiscences de “Comme d’habitude” (un autre classique), Biolay utilise un sample de Marilyn Monroe. Cet extrait de “La rivière sans retour” tombe à point, et ne dépareille en rien dans la chanson, s’y intégrant à merveille. C’est dire si Biolay sait signer des chansons belles d’intemporalité.

Ce natif de Villefranche-sur-Saône s’est plongé à la manière d’un historien dans tous les livres qu’il a pu trouver sur la famille Kennedy, et a signé des musiques qui font un peu penser au meilleur des comédies musicales hollywoodiennes, de ces “musical scores” mythiques qui ont bercé plusieurs générations d’Américains. En tout cas, Biolay commence à séduire de plus en plus de Français, avec ce concept album très yankee. Succès aidant, la pochette un peu trop conceptuelle du début (des souliers sur fond noir) a laissé la place à un fourreau en carton figurant B.B. sur fond de jetée à Brighton, et un maxi de remixes avec des bidouilleries d’Alpha ou Svek est sorti. Au programme (pour les addicts) : un inédit (“La dernière heure du dernier jour”), et une ambiance Murat certaine sur “La monotonie” ou sur la version anglaise des “Cerfs Volants”.

Dommage que sur scène cet artiste accompli (et depuis peu marié à Chiara Mastroiani) manque un peu de charisme. En première partie de New Order en novembre 2001 à l’Olympia, il a assuré le minimum syndical, et en décembre de la même année, à l’Elysée Montmartre, il machouillait un chewing gum sur scène. Le charisme viendra avec le temps. Son talent, lui, n’est pas à démontrer…

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Benjamin Biolay “Rose Kennedy”, 1 CD (Virgin), 2001

première publication : lundi 31 décembre 2001

Jean-Marc Grosdemouge