“Anéantir” de Houellebecq n’est pas un grand cru

“Anéantir” de Houellebecq n’est pas un grand cru

Michel Houellebecq signe avec “Anéantir” une œuvre maousse par sa longueur mais pas monumentale. Il y poursuit ses explorations littéraires et sociétales. Ce roman, touffu et exigeant, entraîne le lecteur dans une réflexion approfondie sur notre époque et ses dérives.

Les 300 premières pages peuvent paraître longues, mais on poursuit sans savoir si c’est par séduction (la persistance à poursuivre la lecture peut s’expliquer par la fascination exercée par le style unique de Houellebecq et l’intrigue policière qui émerge progressivement) ou par calcul (elle peut aussi par calcul : maintenant qu’on a fait la moitié, autant finir).

À travers ce roman, Houellebecq remâche ses obsessions littéraires. Les détails les plus triviaux (son obssession pour les filles qui contractent leur chatte ou les plats préparés Monoprix Gourmet) se mêlent à des préoccupations contemporaines plus graves telles que les mouvements reigieux neo-païens (la Wicca), le terrorisme, et les migrations. Cette fusion du trivial et du significatif est un trait distinctif de l’œuvre de Houellebecq, qu’il approfondit avec une précision implacable.

Le thème de la fin de vie est central dans “Anéantir”, exploré à travers la figure du père du héros, Paul, ainsi que la condition de ce dernier. L’auteur aborde la déchéance physique et morale avec une lenteur presque clinique, offrant une vision résignée mais précise de l’existence humaine. Le couple et ses dynamiques sont également examinés en profondeur. Houellebecq a toujours mis un point d’honneur à offrir, roman après un roman, un aperçu complexe des relations interpersonnelles.

Vous reprendrez bien un peu de Beaujolais ?

On n’évite pas quelques scènes de sexe et de reflexions sur les gens, la société, les lieux. D’ailleurs après nous avoir pas mal décrit le treizième parisien dans un précédent roman, cette fois-ci, outre les paysages du Beaujolais, il s’intéresse de douzième arondissement puisque le héros, Paul, travaille à Bercy auprès du ministre de l’économie qui dans le livre s’appelle Bruno Juge… En effet Houellebecq est dans la vie ami avec Bruno “dilatée comme Jamais” le Maire. Paul vit non loin, dans ce qui értait autrefois le point névralgique du négoce du vin.

Au-delà de ces thèmes, le style caractéristique de Houellebecq – souvent perçu comme dépouillé et direct – et l’intrigue policière qui se déploie au fil des pages, contribuent à maintenir l’intérêt du lecteur. La progression de l’enquête et les révélations qui en découlent ajoutent une dimension captivante au récit, rendant l’expérience de lecture à la fois exigeante et stimulante.

Pour ceux qui découvrent Houellebecq, il pourrait être préférable de commencer par “Extension du domaine de la lutte” ou “Les Particules élémentaires”, qui offrent des introductions plus accessibles à son univers littéraire.

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Michel Houellebecq “Anéantir”, éditions Flammarion, Paris, 736 pages, 2022.

Jean-Marc