Alexandre Jollien “Cahiers d’insouciance”
Dans “Capitaine Conan” de Bertrand Tavernier, le personnage-titre, interprété par Philippe Torreton, nettoyeur de tranchées durant la guerre de 1914-1918, dit qu’on fait “avec ce que le Bon Dieu à mis dans notre musette.” En philosophie aussi : Jollien fait avec ce qu’il a.
Le Suisse Alexandre Jollien a reçu par la vie un cadeau empoisonné dès les premiers instants de son existence : à sa naissance, son cordon ombilical s’est enroulé autour de son cou, et à quatre ans ses parents l’ont placé dans une institution close, dont il garde des traumatismes.
Son IMC (infirmité moteur cérébrale) est un stigmate mais Jollien a lu le sociologue Erving Goffman, auteur de… “Stigmate”. Et une autre étiquette lui a été collée depuis par les médias : le philosophe de la joie. Elle s’ajoute à IMC, mais ne l’efface pas. Mais la joie peut s’évanouir : comme il l’explique sans farder la réalité, un soir, accoudé à une fenêtre, Jollien a songé à enfinir avec la vie.
Pour trouver l’insouciance, Alexandre Jollien couche dans son cahiers les réflexions que lui inspirent ses maîtres : Nietzsche, Chogyam Trungpa et pas mal de philosophes orientaux, avec un leitmotiv : comment se foutre des moqueries, mais rester ancré dans le monde ? Qu’il cite Etty Hillesum ou les stoïciens, Jollien ne cache rien de ses difficultés (il est encore moqué dans la rue), de ses recherches (il vit son homosexualité, alors qu’il l’avait repoussée étant ado).
Son infirmité progressant, Jollien a de plus en plus de mal à écrire au clavier, il dicte don son livre à l’aide d’une application pour mobile coréenne, Kakaotalk. On retrouve donc sur les pages sa façon de parler, de lancer joyeusement des mots, des idées, de s’exclamer. Une belle lecture, qui va vous faire acheter bon nombr des gens cités dans le livre… pour continuer à amasser dans sa musettes de quoi faire œuvre de sagesse.
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Alexandre Jollien “Cahiers d’insouciance”, éditions Gallimard, Paris, 2022, 217 pages.
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