Ce que nous apprend l’album “Hounds of Love” de Kate Bush
Avec “Hounds of Love, sorti en 1985 et depuis devenu un classique des années 80, Kate Bush a non seulement redéfini les standards esthétiques de son époque, mais aussi prouvé que la création, libérée des contraintes de la souffrance et de la précipitation, pouvait atteindre des sommets d’intensité et de beauté, explique l’universitaire Leah Kardos dans “The Conversation”.
Cet album est une œuvre pionnière qui a redéfini les frontières de la pop mais aussi affirmé la place des femmes dans la production musicale. En tant qu’auteure-compositrice-productrice, Kate Bush a brisé les conventions d’une industrie dominée par les hommes, adoptant une approche visionnaire tant dans la forme que dans le fond.
L’album, enregistré dans son propre studio, témoigne d’une liberté totale. La face A regorge de titres intemporels comme “Running Up That Hill (A Deal With God)” et “Cloudbusting”, tandis que la face B propose un cycle audacieux, “The Ninth Wave”, qui plonge l’auditeur dans l’expérience d’une femme perdue en mer, entre cauchemar et transcendance. Bush a exploité des technologies novatrices, comme le Fairlight CMI, pour marier pop progressive, musique électronique et ambiances cinématographiques, créant un univers sonore unique et esthétiquement distinct.
Vive la félicité
Mais au-delà de l’innovation sonore, “Hounds of Love” est aussi une réponse puissante à deux mythes tenaces : celui de l’artiste tourmenté et celui de la création dans l’urgence. Kate Bush, à contre-courant, a montré que l’on pouvait créer des œuvres magistrales dans un état de félicité. Elle qualifiait d’ailleurs ce projet de “meilleure expérience” de sa carrière, rejetant l’idée selon laquelle souffrance et art seraient indissociables.
Son processus repose sur une réflexion minutieuse et un respect du temps long. Là où beaucoup sont fascinés par les éclairs de génie instantanés, Kate Bush a passé trois ans à peaufiner “Hounds of Love”, prenant le temps d’expérimenter et de laisser ses idées mûrir.
Prendre son temps
Dans le livre “Système 1 / Système 2, les deux vitesses de la pensée” (éditions Flammarion), Daniel Kahneman, spécialiste des sciences comportementales “fait la distinction entre les modes cognitifs rapides et lents. La pensée rapide est intuitive et émotionnelle ; la pensée lente est conscientisée et délibérative, explique l’article. Un processus créatif lent donne un sens à ce qui pourrait être assimilé à de la procrastination, comme les longues promenades et les rêveries. Les chercheurs pensent que, dans un contexte artistique la lenteur se traduit par une plus grande créativité de la pensée.” Dans son studio, elle s’entourait d’une vue dégagée sur des champs, observant les changements du ciel pour nourrir son inspiration. Ce travail patient rappelle l’importance de ralentir dans un monde souvent obsédé par l’efficacité immédiate.
En agissant ainsi, Kate Bush a également ouvert des portes pour d’autres artistes. Björk, par exemple, souligne combien Bush a su créer un espace propice à sa musique dans un univers dominé par le patriarcat, tandis qu’Imogen Heap loue son influence pour avoir permis aux femmes de s’émanciper des clichés de “simples interprètes à jolie voix”.
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