Les jeux de rôle ont une histoire
Dans le dernier numéro du magazine mensuel “L’Histoire”, un article explore les jeux de rôle en retraçant les origines et l’évolution de “Donjons et Dragons” (D&D), le jeu qui a marqué la naissance du jeu de rôle sur table il y a 50 ans dans le Wisconsin.
“Donjons et Dragons”, créé en 1974 par les Américains Gary Gygax et Dave Arneson, s’inscrit d’abord dans la tradition des wargames, ces jeux stratégiques inspirés de batailles historiques. Ceux-ci étaient très populaires aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Gygax, passionné par ces simulations, et Arneson, visionnaire du jeu immersif, ont mélangé ces mécanismes à des éléments d’imaginaire issus du “Seigneur des Anneaux” de Tolkien. Ce croisement a permis de dépasser les strictes reconstitutions historiques des wargames pour plonger dans des aventures fantastiques où chaque joueur incarne un personnage unique. Ainsi naît le premier jeu de rôle, publié sous le titre encore peu évocateur “Rules for Fantastic Medieval Wargame Campaigns Playable with Paper and Pencil and Miniature Figurines”.
Un phénomène culturel en expansion
Le succès de “Donjons et Dragons” est immédiat : les 1 000 premières copies s’écoulent en moins d’un an. Dès 1977, des versions améliorées voient le jour, accompagnées d’autres titres comme “Call of Cthulhu” en 1981, inspiré de Lovecraft, ou “Vampire : La Mascarade” en 1991, qui attire un public plus féminin. Ces jeux élargissent les horizons du genre en mettant davantage l’accent sur l’incarnation des personnages et les intrigues complexes. En France, il faut attendre 1983 pour voir une version traduite de D&D. Cependant, des pionniers comme François Bienvenu et Jean-Luc Yrondry avaient déjà contribué à populariser la pratique dès la fin des années 1970 grâce à des clubs et au lancement du magazine “Casus Belli”.
Entre succès et controverses
Les années 1980 marquent l’âge d’or du jeu de rôle. Aux États-Unis, “Dungeons and Dragons” influence même la pop culture, notamment à travers des adaptations télévisées. En France, les clubs et les boutiques spécialisées se multiplient. Mais cette expansion n’est pas sans heurts : des affaires comme la disparition d’un jeune joueur ou le suicide d’Irving Pulling déclenchent une panique morale outre-Atlantique, associant parfois le jeu à des pratiques occultes. En France, des drames comme l’affaire de Carpentras en 1990 alimentent aussi la méfiance médiatique. Le jeu de rôle devient une cible facile, bien que ces controverses n’aient jamais réellement freiné sa popularité.
Une pratique qui se réinvente
Si le jeu de rôle a connu des défis, il a su évoluer pour s’adapter à de nouveaux publics et supports. Des classiques comme les “Livres dont vous êtes le héros” dans les années 1980 ont permis d’initier une nouvelle génération à l’heroic fantasy. Aujourd’hui, le jeu de rôle renaît grâce à des plateformes numériques et à des séries comme “Stranger Things” sur Netflix, qui rendent hommage à “Donjons et Dragons”.