Napoléon : la comédie du pouvoir, selon José Cabanis
La frime un jour de frimaire. En 200 pages bien enlevées, José Cabanis retrace l’ascension d’un général corse que d’aucuns voient comme celui qui a sauvé la Révolution française jusqu’à son sacre en la cathédrale Notre Dame de Paris, en décembre 1804, en présence du pape Pie VII.
J’ai toujours pensé que Napoléon était un minable tyran qui faisait honte à la France, pour avoir bradé les idéaux de 1789 et versé tant de sang inutilement pour un Empire qui a duré dix ans. On peut aussi penser que sa famille était un ramassis d’imbéciles, tout comme la plupart des gens qui l’ont servi.
On connaît Talleyrand, l’évêque défroqué, le diable boiteux, qui se sera compromis sous bien des regimes politiques, mais ce n’est pas le seul aigrefin que nous présente l’auteur dans la belle brochette d’arrivistes qui entouraient le général corse. Cabanis argumente cela sur des centaines de pages et c’est brillant. Il a des sources, les soupèse et indique ce qu’on peut croire ou pas. A ce sujet Châteaubriand est extraordinaire : il intrigue par courrier pour obtenir un poste, mais plus tard en écrivant ses “Mémoires d’outre-tombe”, il expliquera qu’on est venu le lui proposer, à sa grande surprise. Le même raconte avoir rencontré George Washington, ce qui est faux.
L’auteur commence par montrer comment Bonaparte arrive au pouvoir, par quels renoncements au principes de la Révolution (première partie : “les marches du trône”), puis il montre l’homme et sa famille (deuxième partie : “le trône”), des gens avides de pouvoir et d’argent. Et quand il a bien préparé son affaire, c’est comme le final d’un film de Tarantino : tout s’écroule. Mentalement s’entend, quoique madame d’Abrantès, racontera que certains mûrs étaient si délabrés qu’elle a vu un bout de pierre chuter pendant la cérémonie. Mais précise Cabanis, elle écrivait cela cela bien longtemps après, si bien que l’on n’est pas obligé d’accorder du crédit à ses dires
Dans la troisième et derniere partie, la plus courte, mais tout a été argumenté bien en amont, Cabanis n’a qu’à décrire le sacre, une grande pièce de théâtre où tout le monde joue mal et faux, pour tromper le peuple, qui s’en fiche. Mais on a posté dans Paris, sur le passage du cortège, quelques personnes apointées pour lancer des vivats. Et Cabanis, qui a scruté le célèbre tableau de David nous invite cette fois à regarder les peintures d’un autre peintre : celles de l’Espagnol Goya, qui a montré les horreurs des troupes napoléoniennes.
En somme, Macron et son entourage habitué aux coups de comm’ n’ont rien inventé. Manu 1er, encore plus minable, voulait entrer lui aussi dans Notre Dame en décembre prochain pour prononcer un discours dans ce lieu de culte, parce qu’il est celui qui a reconstruit l’édifice parti en fumée. Il restera sur le parvis, au terminus des prétentieux. Avant un prochain départ pour l’île de Sainte Hélène ? Le domaine de Longwood appartient à la France. Pas sûr que le wi-fi soit top mais pour un amateur de boxe il y a de la place pour des sacs de frappe. Et le pape ne se déplacera pas : Frabçois n’est pas Pie VII.
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José Cabanis “Le Sacre de Napoléon”, éditions Folio, Paris.
Ce livre est d’abord paru dans la collection NRF “Les 30 journées qui ont fait la France”, pour laquelle François Miterrand, pas encore président (on etait dans les années 1970) devait écrire “Le coup d’Etat du 2 décembre”. Cette fois il était question du neveu Bonaparte, Napoléon III. Mais ledit livre n’a jamais vu le jour.