Alpha : happy as Larry

Alpha : happy as Larry

Entre Alpha et Melankolic, le label “glad to be sad” fondé par Massive Attack, l’aventure est finie. Fin de collaboration, en bons termes, après “Come From Heaven” et “The impossible thrill”.

Ainsi “Stargazing”, le troisième album couvé par le duo Corin Dingley-Andy Jenks, et porté par quatre voix (deux femmes : Wendy et Helen, et deux hommes : Martin et Kelvin), sort sur le label d’Alpha, Don’t Touch. Et cet album repousse encore un peu plus loin l’orbite du groupe, depuis longtemps habitué aux grands espaces stellaires. Plus habitués à l’excellence musicale qu’aux charts, également. Mais Alpha peut compter sur un public fidèle de ce côté-ci de la Manche. Encore tout ébaubi par l’écoute de ce troisième album céleste et majestueux, on s’empresse de demander à Corin Dingley, moitié pensante et barbue du duo bristolien, de nous livrer quelques petits secrets de fabrication. Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge.

Epiphanies : Votre nouvel album sort chez Catalogue. On dit que Melankolic n’existe plus. Est-ce vrai ?

Corin Dingley : Le label existe toujours. Craig Armstrong est toujours sur Melankolic et Lewis Parker y sort son nouvel album. Sinon, je crois qu’ils ont un peu lâché l’affaire. Au moment où nous en sommes partis, on ne connaissait personne chez Virgin (qui distribue Melankolic), les gens qui étaient derrière “Come from heaven” étaient tous partis, donc il n’y avait pas un grand soutien de la part de la direction de Virgin.

Avez-vous souffert du manque de soutien du label ?

Pas plus que ça, en fait on était excités par l’idée d’en partir. Nous avions notre studio, donc nous avons écrit, fait des remixes, et des bébés ! Cela nous a donné la liberté de choisir dans quelle direction partir, comme trouver des labels qui avaient plus de temps à nous consacrer et pas une vision à court terme de la musique. Nous avons aussi le contrôle sur internet, et sommes en train de construire notre site web (www.alphaheaven.com) sur lequel nous proposerons de titres eclusifs à télécharger. On ne nous a pas versé d’argent d’avance pour cet album, mais ça nous aurait bien servi.

Gardez-vous de bonnes relations avec Melankolic ? avec Massive Attack ?

Bien sûr. On comprend la nature de l’industrie du disque, et nous avons conscience que notre musique n’est pas commerciale. on voit toujours beaucoup les gens de l’équipe de Massive Attack aux studios et au pub. On s’adresse aux gens de leur studio pour des questions de techniques, comme Lee qui est un magicien des ordinateurs Mac, un homme très futé. Parfois, on leur emprunte du matériel, comme le Wurlitzer que vous entendez sur l’album. On l’a eu pendant un an alors qu’on avait demandé à l’emprunter une semaine !

En 2001, à La Route du Rock de St Malo, pendant la conférence de presse, vous m’aviez dit que le meilleur slogan pour remplacer “glad to be sad” (“content d’être triste”) serait “happy as Larry” (formule qui est aussi dans le texte de “Nyquil et signfie “Relax, max” ou “A l’aise, Blaise”). Et maintenant que vous avez changé de label ?

Je pense toujours que “Happy as larry” est un bon slogan, mais on ne sait pas qui est ce Larry. (sourire) Le nom de notre label, Don’t Touch, vient d’une scène d’un film, “Go”, pour lequel nous avions fait un titre qui n’a pas été utilisé. On l’avait sorti en bonus track sur l’édition japonaise de “The impossible thrill”.

Sur cet album, un nouveau chanteur vous a rejoint, Kelvin. Pouvez-vous nous dire comment vous l’avez rencontré et avez décidé de travailler avec lui ?

On l’a rencontré il y a des années à Bristol et j’ai travaillé sur de nombreux projets initiés par Kelvin. Bien qu’il n’ait jamais beaucoup chanté, j’ai toujours aimé sa voix. Nous sommes devenus amis depuis ces sessions. Récemment j’ai entendu des nouvelles démos de The Heavy, le nouveau projet de Kelvin, et là, il chantait. Je lui ai donc demandé s’il ne voulait pas en faire autant pour Alpha. Nous voulions ce supplément d’âme qui puisse enrichir le son Alpha. Et nous voulions aussi explorer d’autres territoires avec notre musique, essayer de nouvelles choses.

En écoutant “Stargazing”, j’ai été surpris parce que ce que j’ai entendu rensemblait à des classiques des années 50 ou 60. Comment faites-vous pour crée un son si “classique” sur vos chansons ?

Nous aimons beaucoup la musique des années 60, donc il y a une tendance naturelle à se pencher vers la sensation de ces musiques et ces productions. Nos sources musicales sont limitées alors il peut être dur de trouver le son que nous désirons. Beaucoup de nos instruments datent des 60’s et même des 50’s : des vieux micros, des amplis de basse, des batterie et du matériel d’enregistrement. Cela nous aide, mais nous utilisons aussi des synthés modernes pour créer les fonds sonores, et même pour masquer d’autres sons. Nous nous voulons pas recréer exactement le sons des 60’s et 50’s, avec des chansons qui sonnent comme celles de La’s, par exemple. Juste prendre quelques éléments. Il y aune chose que nous aimons bien dans la music un peu datée, c’est qu’il y a souvent des petites erreurs ou des imperfections dans l’interprétation ou l’enregistrement qui donnent du caractère à ces chansons. Ils ne pouvaient pas constamment corriger les enregistrements à cette époque, c’était souvent des titres enregistrés en prise directe. Ils ne voulaient pas s’embêter. C’est tellement différent aujourd’hui… maintenant le son est parfait. Ce son un peu relâché ou imparfait, ça compte beaucoup dans notre musique.

Qu’est-ce qui vous inspire quand vous créez votre musique ?

Faire de la musique, c’est une expérience marquante : le simple fait de faire de la musique est source d’inspiration. La musique peut capturer des émotions, des états d’esprit qu’on ne perçoit pas en tant que telles quand on travaille à nos chansons. Faire de la musique, c’est comme si ta mémoire te restituait une image du passé. Quand tu écoutes une chanson, elle t’emmène dans une ambiance, des sentiments, tous un tas de trucs et tu te demandes d’où ça peut venir. Ce sont les sentiments de gens aux moments où ils ont créé cette musique. Je pense que la musique originale et différente est celle qui recherche quelque chose.

On vous verra bientôt en tournée en France ?

Nous sommes en train de préparer des concerts. Nous sommes en contacts avec des tourneurs pour l’instant et espérons que nous aurons des retours très rapidement. Notre site web distillera des infos sur ce qui va se passer, et nous enverrons des emails à tous ceux qui s’inscrirons à notre mailing pour recevoir des infos sur les prochains événements.

Pouvez-vous m’expliquer comment une idée devient une chanson ? Quelle est votre façon de travailler à deux ? Avez vous des rôles particuliers, ou pouvez-vous les échanger l’un et l’autre ?

Nous n’avons pas de vue d’ensemble sur la façon dont nous travaillons, mais nous pensons qu’il est important de ne pas tomber dans la routine. Parfois, nous écrivons ensemble, parfois séparément, parfois nous improvisons avec le groupe qui nous accompagne en concert. Nous voulons que la musique grade sa fraîcheur, c’est poir cela que nous écrivons beaucoup de titres et que nous ne nous focalisons pas sur un seul genr. Bien souvent, les titres réussis viennent d’une idée précise contenue dans un chanson : on en garde juste un bout et on jette le rester. Parfois, il faut revenir à un titre plusieurs semaines après l’avoir fait pour sentir s’il vibre ou non, parfois tu travailles dur sur un titres et quand tu le réécoutes plus tard, ça le fait pas. Les bonnes idées peuvent venir vite, mais c’est pas si fréquent. Alors il faut beaucoup écrire de chansons, et c’est difficile si tu as plein d’autres choses à faire dans la journée. Il faut laisser un espace libre dans sa tête où laisser les idées apparaître.

Est-ce que les chanteurs ont un rôle spécial dans votre processus créatif ou sont-ils juste des gens qui interprètent des chansons ?

Ils sont partie intégrante du groupe. Le chant porte les chansons d’Alpha. Parfois, nous prenons le chant d’un titre existant, virons la musique et écrivons une nouvelle chanson à partir de la partie chantée. Le chant est une grande part de l’aura d’une chanson, ça donne la direction dans laquelle une chanson peut aller, et comment la musique colle à cette aura. Les paroles sont aussi un truc important là-dedans. Tous les chanteurs écrivent leurs textes : on ne met pas notre nez dans leurs paroles, ce sont les leurs.

Jean-Marc Grosdemouge