"Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont

"Camille Claudel 1915" de Bruno Dumont
L’histoire de Camille Claudel est bien connue depuis le film de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu (qui campait Rodin) mais le film se terminait en 1913 sur le pavé du quai Bourbon quand Camille était internée à Ville-Evrard, à la demande de sa famille.

Avec ce film de Bruno Dumont, qui quitte pour une fois ses paysages du Nord, on retrouve la sculptrice en 1915 aux environs d’Avignon, où elle a été, déplacée en raison de la guerre. C’est Juliette Binoche qui relève le défi et tant mieux, car s’il y a bien une actrice capable de prendre des risques, c’est elle (voir sa performance dans “Les amants du Pont Neuf” de Léos Carax). Presque sans maquillage, elle apparaît dans les traits de sa cinquantaine, l’âge du personnage, qui se demande ce qu’elle fait là…

Elle est tellement chamboulée par la présence des autres pensionnaires, qui ne parlent pas mais grognent, qu’elle a des crises de larmes, et Binoche les joue si bien qu’on en est soufflés. En fin de semaine, son frère Paul doit venir la visiter et elle s’en trouve toute requinquée… douche froide quand elle comprend que Paul n’a pas l’intention de la faire rapatrier à la maison, dans l’Aisne. Avant de partir, il voit le directeur, qui lui explique que Camille va quand même mieux, qu’elle pourrait peut être sortir, qu’elle le demande et qu’il est peut être temps de la satisfaire. Peine perdue…

Paul viendra de temps en temps : 12 fois en 29 ans. Car Camille meurt 29 ans plu tard, au même endroit. Personne de sa famille ne vient à l’enterrement… dans une fosse commune. Et personne ne demande le corps pour lui donner une sépulture. Visiblement deux génies dans la famille Claudel ça faisait de trop et Paul s’est tellement cru touché par Dieu, qu’il a vu sa soeur comme touchée par le Diable, cramée par son génie de arts. Après le biopic de Nuytten où Adjani poussait des cris d’hystériques, Dumont offre un tome 2 avec une autre Camille, sur le fil, allant un peu mieux mais demandant à sortir de ses murs pour aller encore mieux.

La suite ce sont les murs, encore les murs, les cris des autres pensionnaires et une mélancolie qui doit s’installer de manière poisseuse, le génie de Camille qui meurt, comme son espoir de revoir les siens. Sûr qu’il n’y aura pas de tome 3 : l’horreur des 29 dernières années est indicible, et impossible à filmer.

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Jean-Marc Grosdemouge