Mayra la belle

Mayra la belle

   Elle est belle, pimpante, ses yeux illuminent tout son visage de jeune femme. Cette chanteuse Cap-verdienne est une fille comme on en croise peu. Rencontre avec Mayra la belle.

   Elle porte de petites lunettes qui lui donnent un air d’étudiante Erasmus, mais elle les ôte pour la séance photo. Elle a la maturité d’une femme de trente ans, mais la fraîcheur de sa peau rappelle qu’elle n’en a que vingt. Elle n’a pas encore sorti le moindre album et espère chaque jour que Dieu va l’illuminer et lui indiquer quelle maison de disques choisir. Pourtant elle sait profondément au fond d’elle-même qu’elle peut espérer mener une grande carrière de chanteuse. C’est une fille comme on en croise peu. Rencontre avec Mayra la belle.

Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge.

Epiphanies : Notre rencontre a lieu sur l’île Saint-Louis, à quelques pas de ton domicile. C’est marrant que tu habites sur cette île dans laquelle, généralement, on trouve plutôt des gens aisés, et en fin de carrière. C’est pour être dans le même quartier que Moustaki et Brigitte Fontaine ou parce que, étant née à Cuba et originaire du Cap-Vert, tu ne peux vivre que sur une île ?

Mayra Andrade : (rire). Fontaine, je l’ai croisée aujourd’hui, avec de grosses lunettes, histoire de ne pas être reconnue, mais forcément, ça a attiré mon regard… (sourire) Non, je vis ici un peu par hasard. Je suis souvent bénie par le hasard. J’ai l’impression d’avoir eu pas mal d’opportunités, de coup de chance. Avoir trouvé un appartement ici en est un. J’espère que ça va continuer, c’est pour ça que je remercie les cieux.

Pour toi, tout a commencé quand tu as gagné la médaille d’or au concours de la Francophonie ?

C’est la première fois que le Cap-Vert gagnait une médaille dans un concours international, toutes disciplines confondues. Et puis c’était la première fois qu’on participait aux Jeux de la Francophonie. C’est la seule discipline à laquelle on a participé, du fait de l’investissement de ma famille et de celui qui est devenu mon manager. Il a fallu cette initiative privée alors qu’il s’agissait de représenter officiellement le pays. C’est une critique que j’adresse au bazar administratif et bureaucratique qui règne souvent au Cap-Vert : tous les frais étaient payés par les Jeux. On aurait peu envoyer des équipes de basket, de boxe, etc. mais les papiers sont restés dans les bureaux. J’ai peu partir parce que je me suis battue pour qu’on signe des papiers.

A ce moment là, tu habitais au Cap-Vert ?

De retour d’Allemagne, j’y suis restée trois ans avant de venir en France.

Tu as tellement voyagé que je me demandais si tu y avais jamais vécu. Tu es née à Cuba…

Oui, mais j’ai vécu au Cap-Vert, ensuite je suis partie à Dakar, puis en Angola, encore un an au Cap-Vert puis trois ans en Allemagne, encore deux ou trois ans au Cap-Vert, et je suis en France depuis près de deux ans.

Pourquoi tous ces déplacements ?

Mon ex-beau-père est diplomate. Mon père, qui est resté au Cap-Vert, est militaire. Quant à ma mère, elle a fait de la gestion des ressources humaines.

Suivre ton beau-père diplomate dans ses affectations a dû te donner une vraie ouverture sur le monde ?

Disons que ça ma donné non pas l’instinct de survie mais l’instinct d’adaptation. Quand on bouge, on est très vite oblige de changer de disque dur et de s’adapter. Imagine-toi sortir du Cap-Vert, où tu as tous tes amis, à l’âge de six ans, pour partir dans un pays où il faut apprendre le français. J’ai appris à écrire directement en français, car à l’âge de six ans, j’étais en CP à Dakar) ! C’était aussi la découvert d’une religion et des coutumes, des façons de s’habiller différentes… L’Angola, c’était plus soft car on a le même colonisateur, la même langue,plus de points communs…

On y parle aussi le portugais…

…mais le pays était en guerre donc je débarquait dans un pays où la misère et corruption régnaient. La villé était détruite et dans les environs, il y avait encore des combats. Un jour, pendant qu’on dînait, une grenade a explosé à dix mètres de notre porte (sourire), mais ce n’était qu’un voleur de voiture qui a croisé le propriétaire de la dite voiture. Il lui a dit “si tu ne me laisses pas partir avec, je la fais exploser”. Après la vie à Bonn, c’était très calme (sourire).

C’était après la réunification de l’Allemagne ?

Oui.

C’est vrai que tu es toute jeune… (sourire)

C’était juste avant que le centre administratifs et les ambassades soient déplacés à Berlin.

Ta vie d’enfant et d’ado t’a préparée à rencontrer des gens. Et en effet, tu en as rencontrés en tant que chanteuse. Sur ton site internet on te voit en photo avec Caetano Veloso, Bonga, Cesaria Evora, Chico Buarque…

La rencontre avec Chico Buarque a eu lieu en studio à Rio, pour l’enregistrement d’un single et du clip pour la lutte contre le SIDA. le Ministère de la Santé brésilien a réuni des artistes du Brésil mais aussi des représentants de tous les pays de langue portugaise : Angola, Mozambique, Sao Tome & Principe, >Timor, Portugal, Guinée Bissau, Cap-Vert. Il ne manquait que quelqu’un de Goa. Nous avons tous enregistré pendant une semaine. Le clip a été diffusé dans tous ces pays, donc au Cap-Vert. Un jour, dans la rue, j’ai même croisé des enfants qui se sont mis à me courir après en me chantant le refrain du morceau, tellement ils l’ont passé à la télé.

Au Cap-Vert, tu fais partie des artistes qui sont réellement connus. Là-bas, on t’arrête dans la rue ? La situation est différente de celle que tu connais à Paris ?

(rire) Paris, c’est l’anonymat… (sourire).

Et là bas ?

Eh bien (sourire, puis début de gêne)…

Tu es trop modeste pour le dire ? Mais on t’arrête dans la rue ?

(rire) Oui. Mais en fait, il faut le présenter autrement : là-bas, les gens me connaissent, mais le pays n’est pas très grand, or depuis cinq ans que je donne des concerts et passe à la radio ou à la téléOU, les gens me connaissent maintenant. Je suis marraine de l’hôpital psychiatarique de Praia, la capitale, donc à chaque fois que j’y vais, j’organise des concerts caritatifs. Mais là-bas, tu peux croiser Cesaria Evora qui fait son marché, ou le président de la République lors d’une soirée. C’est tout à fait normal. C’est l’avantage de venir d’un petit pays.

Comment vois-tu l’avenir ? L’année à bien commencé pour toi avec la diffusion d’un reportage sur Arte dans “Metropolis”. Et puis lors de tes concerts au Satellit Café, un “buzz” a commencé à s’amplifier autour de ton nom.

Plusieurs maisons de disques me proposent un contrat : Je dois donc prendre une décision importante…

Qui t’a contactée ?

Je préfère n’en citer aucune tant que je n’ai pas signé. J’aimerais être sûre que l’on défendra bien mon travail, et que l’album pourra sortir dans le monde entier. Même si au Cap-Vert, je ne suis plus vraiment “la petite dernière”. Pourtant je n’ai que 19 ans (rire), mais je sais qu’on attend ce premier album avec impatience. Et il arrive !

propos receuillis le 2 février 2005

Jean-Marc Grosdemouge