Paul Motian Band "Garden of Eden"

Paul Motian Band "Garden of Eden"

Le Jardin d’Eden du batteur Paul Motian offre des climats vaporeux et de subtiles harmonies. Le jeu de baguettes du maître, discret autant qu’essentiel, sert de liant… 

paul motian   J’ai souvent tendance à considérer que le jazz est une musique qui joue à fond la carte de la dynamique. A plus forte raison, quand un disque est celui d’un batteur, on s’attend à ce que le son soit plein d’attaque, de trépidations. Mais comme chez ECM, on ne fait rien comme les autres, à l’instar de l’album de Manu Katché, “Neighbourhood”, sorti l’an passé (voir notre article), où le juré de la “Nouvelle Star” (on est pas sectaire chez Manfred Eicher) jouait délicatement de ses cymbales splash et ne cherchait pas la démonstration de virtuosité, ce disque est autre que ce qu’on imaginait.

     Tant mieux, car notre surprise est fort belle : c’est dans des climats vaporeux que nous transporte cet album. Dans des jardins d’Eden où joue un groupe à la cohésion phénoménale. Comme chez Jan Garbarek, les titres se déploient avec lenteur et majesté, version grand angle. Le jeu de batterie de Paul Motian, discret autant qu’essentiel, sert de liant… sans lui toute cette délicate harmonie s’évaporerait, fondrait comme neige au soleil. Ici, les saxophones de Chris Cheek et Tony Malaby jouent souvent à se compléter, pour créer des harmonies qui rappellent le “Concerto for Saxophone Quartet and Orchestra” de Philip Glass.

     On aimerait créer un terme pour dire toute la souplesse de ces morceaux délicats, dans lesquel la guitare de l’un s’étire comme un chat, tandis que l’autre sort ses petites griffes en picking. Chacun défend son instrument, mais sans confrontation : osons donc la formule “soft bop”. C’est un climat -serein, forcément serein, du genre tropical humide, qui baigne ce disque. Et ici, on ne confond pas onirisme et onanisme.

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Jean-Marc Grosdemouge

Paul Motian Band “Garden of Eden”, 1 CD (ECM/Universal), 2006

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=T2-ffXDk_qg?ecver=1&w=560&h=315]

Jean-Marc Grosdemouge