« Sans filtre », mais décapant

« Sans filtre », mais décapant

Deux choses m’avaient donné envie de voir le précédent film de Ruben Ostlund, « The Square » : il avait reçu la Palme d’Or à Cannes (c’est toujours un bon présage) et son affiche était des plus intrigantes : on y voyait un homme très musclé, torse nu, l’air farouche, debout sur un table dans un lieu luxueux, au vu des dorures et lambris des murs et plafonds.

On y découvrait une satire tout à fait mordante du milieu de l’art contemporain, et on assistait comme rarement à un grand moment de cinéma comme on voit peu. Sauf chez Tarantino, ou dans « Parasites ». Ceci dit, l’art contemporain est un milieu assez surfait, peuplé de m’as-tu-vu mais aussi des gens cultivés. En revanche, on pouvait réllement craindre le pire avec « Sans filtre ».

Des influençeurs et des ultra-riches sur un bateau… 

En effet, ce film s’attache au destin… d’un couple composé d’un mannequin et d’une influençeuse, soit le comble de cette culture vouée au superficiel, qui fait la richesse de quelques uns au détriment du temps de cerveau des autres. Résultat : ne vous fiez pas aux premières minutes, ce film est un diesel.

Plus les minutes vont défiler, plus vous allez être captivés par le récit, et ce jusqu’à la dernière minute. Une fois le film fini, on a qu’une envie : relire “L’ile des esclaves” de Marivaux. Ce court roman philosophique à la fois grave dans le fond et léger dans la forme décrit une situation où le pouvoir s’inverse entre dominants et dominés.

L’humanité tombe à l’eau, qu’est-ce qu’il reste?

En prime le réalisateur récidive côté « grand moment » de cinéma. Pour ne pas dire : le climax ultime. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas risque de divulgâcher. L’humanité tombe à l’eau, qu’est-ce qu’il reste? Eh oui, Marin Marais a beau figurer sur la bande son (“Sonnerie de Sainte-Geneviève du mont de Paris”), on est loin de l’ambiance janséniste de “Tous les matins du monde”, mais on a bien affaire à un très grand film.

D’ailleurs la Croisette ne s’en est pas remise et notre ami est reparti en Suède avec une deuxième Palme d’Or sous le bras.

*****

Jean-Marc Grosdemouge