Si les monuments pouvaient parler

Si les monuments pouvaient parler

Inaugurée en 1989 par François Mitterrand, qui avait fait de l’érection de ce bâtiment une affaire personnelle, la Grande Arche de la Défense a un architecte méconnu. Il est Danois et se nommait Von Spreckelsen. Ou plutôt l’Arche a deux architectes, puisqu’il lui avait été adjoint le Français Paul Andreu. C’est ce dernier qui finira l’Arche après -fait rarissime dans l’architecture, la démission du premier.

C’est donc à la personnalité de ce Danois énigmatique qui n’avait en tout et pour tout construit que quatre église dans son pays natal quand il a remporté en 1983 le concours international pour aménager la tête de la Défense, que s’attache Laurence Cossé. A sa vision : celle d’un cube aux formes extrêmement épurées, revêtu de marbre, un geste fort, à la limite de l’utopie.

Car quand il a gagné, Spreck n’avait qu’un dessin. Quand Mitterrand a validé le projet, il a fallu le construire. Et c’est une autre paire de manche… surtout quand on perd le pouvoir en 1986 (la fameuse Cohabitation entre Tonton et Chirac).

Au fil des pages, on découvre l’univers pas si feutré que ça des grands projets présidentiels, avec les entreprises, les grands commis de l’Etat, les intrigues des promoteurs. Il faut trancher, aller vite, mais Spreck n’a qu’une idée : il ne veut pas voir les Français, en qui il n’a pas confiance, dénaturer son projet, son rêve, sa grande oeuvre.

Le livre vaut aussi pour sa description des manières de décider telles qu’elle se pratiquent au Danemark et en France. Un choc des cultures qui sera fatal à Spreck : après sa démission du chantier, il tombe malade et meurt très vite… sans jamais voir le Cube (c’est comme ça qu’il l’appelait) fini. Il faut aller au bout du livre pour comprendre qu’il y a quelque chose de pourri en République française.

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Jean-Marc Grosdemouge

Laurence Cossé “La Grande Arche”, Paris, Folio.

Infos : https://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio/La-Grande-Arche#

Jean-Marc Grosdemouge