Les Rita Mitsouko "Bestov"
Les Rita sont un groupe intéressant musicalement, et en plus, ils sont marrant : tenez, par exemple, quand ils sortent une compil, ils l’appellent “Bestov”. Comme “Popov”. Et pour nous faire rire aussi, Philippe Manoeuvre signe les notes de pochette et s’amuse à savoir si chaque titre est rock ou pop. Verdict : selon le grand prêtre de “Rock and Folk”, c’est à peu près fifty-fifty. Ce qui enfonce le clou : si Manoeuvre lui-même (et Dieu sait qu’il s’y connaît, reconnaissons lui au moins ce mérite) n’a réussi à les classer, c’est qu’inclassables, les Rita le sont à coup sûr !
Depuis qu’ils ont déboulé en 1984 avec leur chanson écrite en hommage à la chorégraphe Marcia Moretto, décédée peu de temps avant, et qui avait enseigné la danse à Catherine Ringer, ils n’ont eu de cesse de sortir des clips marrants, et des chansons décalées : leur duo avec les Sparks par exemple.
Plus intéressant que celui de Catherine avec Gyneco circa 96 (reprise de “Ah si j’étais riche” pour leur concert privé sur M6), qui n’est pas sur l’album mais est tellement peu réussi que ça ne manque à personne. Dommage en revanche que le duo de Catherine avec Marc Lavoine (“Qu’est-ce que t’es belle”) n’ait pas été réédité ! Le fait que Catherine ait pratiqué la danse (et pas seulement le sexe devant des caméras) explique certainement sa forte présence sur scène : à ses débuts, la Ringer chantait avec des gants ménagers aux mains ! Adieu les gants, mais elle continue à traîner derrière elle une réputation de gentille fofolle, elle s’épanche tandis que Chichin le cultive le mutisme, se contentant d’assurer (et comment !) son rôle de guitariste.
Le numéro de duettiste de Ringer et Chichin est très au point : la grande bringue qui pousse la goualante et le grand sec déguingandé limite autiste. Ringer donne parfois dans le tragi-comique : c’est l’une des dernières grandes chanteuses réalistes. Une Fréhel moderne, un panache digne d’Arletty en ces temps électroniques ! Son truc, à Ringer, c’est qu’elle chante toujours très haut perché, dès les premières notes de la chanson : si elle commençait d’une voix normale, puis se mettait à monter dans les aigus, gageons qu’elle ressemblerait à une pathétique caricature de diva, façon Marianne James. Mais elle a développé un chant suraigu bien à elle, qui est sa marque de fabrique, qui la rend inimitable. En fait, elle a tout bonnement créé le premier personnage de diva post-moderne.
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Jean-Marc Grosdemouge
Les Rita Mitsouko “Bestov”, 1 CD (Delabel/Virgin), 2001