Programme "L’enfer tiède"
Il existe des albums, et il existe des claques. Programme n’enregistre pas des albums, mais donne des baffes, distribue des beignes musicales. De la mandale gravée sur galette, quoi. Après “Mon cerveau dans ma bouche”, voici donc “L’enfer tiède”. La première chanson a tout d’un manifeste : “On a raison de faire ce qu’on fait, de penser ce qu’on pense” répète la voix.
C’est radical, c’est politique, tout en n’étant pas explicitement politique. Un peu comme Noir Désir, qui est un groupe qui véhicule le plus une image (créée ?) de groupe gauchiste ou anar, alors que ses textes relèvent de la poésie et que c’est surtout hors de scène, lors de leurs rares interviews ou sur leur site internet, qu’ils développent leur position sur le monde actuel.
Programme, donc, comme un programme politique ou syndical, pas comme un groupe. Ou un groupuscule extrémiste… Tractages, réunions, rien de tout cela ici. Juste de la noirceur, noire comme la vie, noire comme la pochette. Pas de mélodie, pas de couplet-refrain. Pas de gants non plus. A l’auditeur de faire l’effort de rentrer dans l’univers du duo. On entre en Programme comme on entre en politique : avant de faire naître des idéaux, il faut se plier à un appareil. L’appareil, chez Programme, ce sont des rythmes lourds, un piano entêtant qui vous vrille la tête, qui vous martèle chaque neurone, vous prend chaque synapse pour en faire des papillotes.
“On aimerait dire ce qui est peu dit” confiaient les deux membres de Programme un brin crispés, lors d’une conférence de presse, à quelques heures de leur passage sur la scène de la Route du Rock, en août 2002. Programme est un groupe qui incarne la difficulté de dire avec des mots une musique qui est particulière : elle aimerait retranscrire des émotions que les mots n’arrivent pas approcher. “Ce qu’on peut dire, il faut le taire” disait Wittgenstein. Programme n’arrive pas à parler de sa musique. C’est peut-être pour cela qu’elle a tant à dire.
***
Programme “L’enfer tiède”, 1 CD (Lithium/Labels), 2002