Jean-Marie Périer "Le temps d’apprendre à vivre"

Jean-Marie Périer "Le temps d’apprendre à vivre"

“Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard”. Jean-Marie Périer n’est pas un pousse-bouton mais un homme de goût, puisqu’il place le titre de son livre sous le patronnage de Louis Aragon. Et signe des mémoires où son esprit vagabonde d’amis en vedettes, toujours au plus près de l’émotion.

Après les deux patrons de “Salut les Copains” Frank Ténot (qui a écrit lui-même “Je voulais en savoir davantage”) et Daniel Filipacchi (qui laissé l’un de ses obligés, Robert Madjar, bâcler sa bio, aujourd’hui introuvable), c’est au photographe-chouchou du magazine d’écrire ses mémoires.

Il les a écrites d’une plume vive, pleine de verve, de tendresse et de sensibilité, ces mémoires. Avec un sens du détail fort à propos, Périer sait nous ramener à ses années de jeunesse, dans les coulisses d’un spectacle des Stones (“respirer les coulisses, c’est pénétrer dans un secret”) ou à l’époque où le sexe se pratiquait encore sans capotes et où l’Amérique fascinait des générations entières d’adolescents (“L’Amérique, c’est comme le mariage. Le vrai joli moment, c’est la déclaration”). C’était bien avant le MP3, bien avant les télévisions câblées autant que décérébrantes, avant les FM privées aussi.

On croise Claude François, Eddy, Johnny, Françoise Hardy, Dylan, Filipacchi (dont Périer arrive à évoquer l’amour des femmes sans tomber dans le graveleux), bien d’autres gens de la presse (comme son ami Bob Elia) ou de la musique (le fantasque directeur artistique Jacques Wolfsohn). Jean-Marie Périer n’est peut-être pas le meilleur photographe du monde (il le concède en expliquant que “le danger qui guette le photographe témoin de son temps, c’est qu’en voulant capter tous les moments qui passent il risque d’oublier de les vivre”), mais c’est un formidable raconteur d’instantanés.

On n’en attendait pas moins de celui qui déclare “les souvenirs d’hier me comblent, les élans de demain m’enchantent, l’aujourd’hui me désarme”. S’il vit sa vie en dillettante, ce dont il semble ravi à la lecture de ces pages, Jean-Marie Périer écrit aussi comme il vit, comme il respire : avec légèreté, grâce et élégance. En cela, Françoise Hardy ne s’était pas trompée quand elle l’avait choisi pour compagnon. Cela augure de beaux livres à venir : après avoir évoqué ses deux pères (celui qui l’a conçu : Henri Salvador et celui qui l’a élevé : François Périer) et tourné la page de sa biographie, on est certain qu’il serait un merveilleux romancier.

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Jean-Marie Périer “Le temps d’apprendre à vivre”, XO Editions, Paris, 270 pages, 19,90 euros.

première publication : vendredi 5 mars 2004

Jean-Marc Grosdemouge