Alice Coltrane “Translinear light”

Alice Coltrane “Translinear light”

Après 26 années d’absence discographique, consacrées à l’hindouisme, celle qui est tout de même la femme d’un saint -John Coltrane a son église, comme le rappelle Pascal Bussy dans son livre (voir notre article), revient sur disque pour un album empreint de sérénité, enregistré notamment avec le décidément infatiguable Charlie Haden à la contrebasse ou Jack Dejohnette à la batterie.

Entre temps, elle a fondé son ashram, le Vedanta Center. Pas étonnant donc que la “lumière translinéaire” inonde les titres de la pianiste-organiste, également adepte des synthétiseurs. Avouons à ce sujet que ce n’est pas quand elle use de synthés aux sons aigrelets qu’on la préfère. Mais la plupart du temps, c’est à dire quand elle les délaisse, sa musique iradie littéralement. C’est une musique profondément positive, libre et libératrice, qui coule, vivifiante.

Bien sûr un album mystique (il n’est qu’à lire le mot qu’elle adresse à ses auditeurs) sorti sur le label Impulse et signé Coltrane, cela rappelle forcément le mystico-mythique “A love supreme”. La référence est d’autant plus forte que les fistons de John, prénommés Oran et Ravi et présents sur l’enregistrement (Ravi est aussi producteur de l’album) ont, comme l’illustre auteur de leurs jours, choisi le saxophone pour s’exprimer.

Signalons que si, dans la famille, c’est le père le génie (nul n’oserait le contester), les rejetons, à qui l’on a souvent conseillé de changer ou de patronyme ou d’instrument n’ont pas à rougir de leur jeu. Ce sont de bons souffleurs, et selon moi, Saint John n’a pas lieu de se retourner dans sa tombe. On ne l’imagine pas non plus claquer des doigts. Cet album, méditatif, ne s’y prête pas.

Pour bien enfoncer le clou au niveau de l’amour suprême (mais après tout, laissons-lui le bénéfice du doute) Alice Coltrane, dont il faut signaler qu’elle fut en d’abord en tant qu’Alice Mc Leod l’accompagnatrice de Trane au piaao, succédant ainsi à Bill Evans ou Mc Coy Tyner, avant de succéder à Naima dans son coeur, a choisi deux titres de son mari (“Crescent” et “Leo”) pour qu’ils figurent sur ce disque.

Elle y adjoint quelques compositions personnelles et des morceaux traditionnels. Ceux-ci sont indiens : “Sita ram”, “Satya sai isha”, ou américains : “Walk with me” (qu’avait repris Lizz Wright l’an passé sur son formidable album “Saly”) ou “This train”, et tout ces titres font sagement la queue leu leu pour recevoir la bénédiction prodiguée par Sainte Alice.

Madame feu John Coltrane, qu’on est ravis de retrouver avec un nouvel opus (si Alice Coltrane était catholique on s’autoriserait le jeu de mot avec “dei”), parvient à concilier épanouissement humain (il n’est qu’à voir l’infini sourire sur son visage) et achèvement musical.

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Alice Coltrane “Translinear light”, 1 CD (Impulse !/Universal), 2004

Jean-Marc