Arno Bertina "J’ai appris à ne pas rire du démon"
Voici un livre dont le propos n’est pas très musical : c’est à l’homme Johnny Cassh, et au mythe de l’homme en noir que le romancier Arno Bertina s’attaque.
L’édition française voit de plus en plus surgir de ces livres qui sont des évocations de musiciens : après “La mélancolie de Nino” (voir notre article) dans lequl Frank Maubert mettait ses pas dans ceux de Nino Ferrer, c’est un romancier trentenaire, Arno Bertina, qui se frotte à Johnny Cash. Non pas pour nous conter sa vie (d’ailleurs Johnny Cash a lui même publié ses mémoires, parues au Castor Astral) mais pour conter trois rencontres (dont deux sont forcément imaginaires) avec Lui.
LUI, c’est le mythe, et un représentant vendeur de bible, un policier et le producteur Rick Rubin racontent tour à tour leur Johnny Cash, leur mythe. Autant dire que si une rencontre est plausible (la dernière, qui a effectivement eu lieu), c’est la seule qui s’intéresse vraiment au chanteur, à sa carrière d’artiste, puisque Rick Rubin décrit le Johnny Cash décati qu’il vient de remettre en selle pour lui faire enregistrer pour le compte de son label American Recordings ce qu’il espère être ses meilleurs disques. Pour le reste, on est le plus souvent dans l’évocation d’un être mythique, mais sans vraiment parvenir à percer le mystère.
Le roman présente donc trois aspects de Johnny Cash, trois moments assez éloignés de la légende : le Cash jeune qui fait des petits boulots, puis le chanteur déjà célèbre en proie à des problèmes de drogue, puis le Johnny Cash ayant surmonté ses démons, mais qui entre -car même les monstres sacrés y entrent- dans le troisième âge. Johnny Cash a eu droit à une bio ciné hollywoodienne il y a peu : “Walk the line”. Et tout comme Jerry Lee Lewis a été immortalisé au cinéma (“Great Balls of Fire”) et dans un livre qui n’est pas exactement une bio (l’épatant “Hellfire”), l’homme en noir a droit à un livre romancé qui explore le mythe. Sauf que Bertina n’est pas Nick Tosches, et si son livre fait preuve d’un style certain, il n’est pas fulgurant comme pouvait l’être “Hellfire”.
Le défaut de ce livre ? L’auteur tourne autour du mythe au lieu de “foncer dans le tas” comme s’il restait à distance : d’ailleurs, il utilise un biais. Il semble qu’il n’a pas rencontré Cash ni en réellement ni virtuellement (par ses lectures). Il a juste inventé des personnages qui racontent l’avoir fait. Voilà un objet littéraire singulier, et en tout cas un auteur qui mérite qu’on retienne son nom… ce que la presse spécialisée à déjà fait semble-t-il.
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Arno Bertina “J’ai appris à ne pas rire du démon”, Naïve Livres, 150 pages, 2006.