Beirut : l’ami américain
Nous sommes en septembre, il fait encore beau et le soleil n’a pas encore déserté Paris. Dans la cour du label Beggars, Zach Condon reçoit la presse pour la promo de “The Flying Club Cup”. Ce jeune artiste ressemble à un étudiant et parle de manière posée, absolument pas fatigué de répondre à une énième interview. On branche le magnéto, et Zach nous narre son enfance… Propos recueillis par Jean-Marc Grosdemouge
Zach Condon : Je suis né à Albuquerque. Ensuite mes parents ont bougé vers l’Atlantique, en Virginie, mais on est rentrés au Nouveau Mexique quand j’étais ado…
Epiphanies : C’est très sauvage non ?
Oui, et tout le monde se connait. Si vous croisez quelqu’un à New york qui porte un nom que vous connaissez, vous avez envie de lui dire “on est du même coin ? On devrait se connaitre…” C’est petit, un peu isolé, très espagnol, très mexicain, c’est très étrange, surréaliste en fait. avoir grandi dans une si petite ville m’a vraiment conduit à vivre dans de plus grandes villes. Ca ne me plaisait pas d’être dans un lieu si étriqué, d’où mon envie de voir plus grand pour le suite. Mais c’est au Nouveau Mexique que j’ai commencé à enregistrer. J’étais si isolé que j’ai tout fait seul, les gamins de mon âge ne s’intéressaient pas à ce genre de choses. Alors, je faisais tout ou presque dans ma chambre. Quand je sortais du lycée, j’u passais mon temps libre. la pièce était si emplie d’instruments et de microphones que le soir, je devais pousser tout ça pour atteindre mon lit.
On m’a dit que lorsque tes premiers enregistrements sont sortis, tu étais encore étudiant ?
J’avais quinze ans, oui, c’est très jeune mais c’est ce que je voulais. J’ai arrêté l’école.
En France, on connait beaucoup Calexico, qui est d’Arizona, et qui est très influencé par la musique mexicaine. Ta musique est beaucoup plus influencée par les Balkans. Tu aimes les musiques de ce coin, les films d’Emir Kusturica ?
Je suis passionné par la musique et la culture européenne. Grandir au Nouveau mexique c’est pousse un peu à ça. A commencer par la façon dont les villes sont construites ailleurs : chez moi, on pose les éléments d’une ville comme ça : là un centre commercial, là un fast-food, là l’autoroute, les banlieues. On a pas l’impression que tout ça s’intègre… la vie est ennuyeuse, ça stimule pas, au contraire ça isole les gens. En Europe les villes vibrent, la vie y semble plus belle, la culture vivante et on sent des carrefours artistiques. La musique européenne m’intéresse par son vieux fond romantique, ses mélodies. j’aime les valses, la culture des Balkans. J’aime Calexico, j’ai tourné avec eux, et ils sont super sympa. Ils font le genre de musique qui a bercé mon enfance : le mariachi. Je jouais de la trompette comme ça avant… (rire) je suis content de voir leur succès, mais franchement quand j’étais petit j’entendais tellement de mariachi que dans ma tête, je prenais la fuite ; j’étais à Paris, à Moscou, à Istanbul, à Athènes… Je rêvais de ces villes.
Tu dois donc être très content de savoir que le public français aima ta musique.
Oh oui. Je me rappelle de la première fois que ma photo est parue dans “Les Inrocks”. j’ai appelé ma mère, qui est dans le même truc que moi. J’étais déjà venu à Paris plusieurs fois depuis l’âge de 17 ans et je n’en revenais pas d’être das la presse française.
Tu as l’impression de ne pas être né au bon endroit ?
(rire). Je suis peut être né au mauvais moment au mauvais endroit. je me sens vraiment chez moi à Paris, comme à la maison. par définition ici, je suis étranger, mais ce n’est pas le cas. Alors qu’ailleurs je me sens étranger, quand je suis à New York ou à Paris, je ne ressens pas ça.
Tu crois à l’idée que tu aurais pu vivre à Paris dans une vie antérieure ?
(rire) Je me demande, tu sais. Je suis francophile depuis si longtemps. Au lycée, on m’appelait “frenchy”… (en français) français, comme François. (reprenant en anglais). A partir de quinze ans, j’ai vu tous les grands classiques du cinéma français, je lisais des livres français.
Sur ce nouvel album, on peut entendre un dialogue en français
(en français) : c’est un film de Brigitte Bardot, je ne sais pas si je peut le dire.
A cause des crédits ?
On a pas vu si c’est contre la loi ou pas… (rire) On peut dire que c’est Brigitte Bardot, mais…
On ne peut pas dire dans quel film.
Dans la scène elle est en colère, le film parle de violence conjugale. Il fallait faire des bruits de glace. Je ne bois pas en studio alors j’ai utilisé une bouteille de Perrier, que j’ai jetée pour faire ces bruits.
Je ne l’avais pas reconnue… pourtant j’ai moi-même interviewé BB il y a quelques années… (parfois je crâne en interview, NDR). Cet album a une chanson intitulée “Nantes”. Elle a été composée à Nantes ou en pensant à Nantes ?
Seulement en y pensant. En fait, ça se réfère au film en question. Ils vivent sur la côte… le titre “Cherbourg” reprend les mêmes personnages, mais c’est plus optimiste. Mais les paroles sont les mêmes. Le scénario a changé, la situation aussi, et c’est assez marrant parce que Cherbourg est en fait assez déprimante alors que Nantes est vivante…
Beirut “The Flying Club Cup”, 1 CD (4AD/Beggars), 2007