Nick Drake "Family Tree"
Il se trouvera certainement des gens pour s’offusquer de voir ces raretés publiées sur disque. Après tout, les musiciens qui ont une carrière post mortem plus longue que leur carrière de leur vivant (exemple : Jeff Buckley) ça a toujours quelque chose d’un petit peu dérangeant, même quand les pépites exhumées sont de valeur… Alors pourquoi un tel disque ?
Si la famille de Nick Drake doit des explications à quelqu’un, c’est à Nick lui-même : aurait-il cautionné la publication de ses chansons, s’interroge sa soeur Gabrielle ? Et d’expliquer quel fut le désarroi de la famille après sa mort, et le peur de voir son souvenir disparaître, lui qui n’avait sorti que trois albums… Gabrielle Drake raconte l’arrivée d’un enregistreur à la maison, et pourquoi aujourd’hui ces bandes maisons sont disponibles un peu partout de façon pirate : dans les années qui suivirent la disparition du jeune musicien anglais, des fans vinrent d’un peu partout en pélérinage dans la maison de la famille. Contents de les recevoir et faire vivre la mémoire de leur fils, les parents faisaient écouter les bandes et à l’occasion les copiaient, sans s’imaginer qu’un jour tout cela pourrait faire l’objet d’un commerce.
Aujourd’hui qu’Internet permet la circulation sans limite de copies de mauvaises qualité, Gabrielle Drake a donc choisi de mettre à la disposition des fans la copie familiale d’origine, dont elle est l’heureuse propriétaire, ainsi que des chansons enregistrées à Aix en Provence. Sachant cela, on ne peut être qu’encore plus ému en écoutant Nick Drake chanter ses premières ébauches, reprendre Bert Jansch ou jouer du Mozart avec deux membres de sa famille. Afin que l’expression “arbre généalogique” prenne tout son sens, on entend même Molly Drake, la mère de Nick, celle qui jouait du piano tous les après-midis. “Lo fi” dans sa forme mais “hi fi” dans ses motivations, cette compilation de raretés est un petit trésor.
Quand on entend l’avant-dernier titre, le superbe “Way to blue” dans une version piano-voix enregistrée sur le clavier familial, la boucle est bouclée. Le disque se referme sur une chanson de Molly, qu’elle a composée elle-même, et l’on comprend qu’ayant été élevé par une femme avec une si jolie voix, Nick Drake n’a pu que devenir un artiste à part… Car il y a tout l’amour du monde dans la voix de Molly et pour l’’amour de sa mère que n’entreprendrait-on pas ?
****
Nick Drake “Family Tree”, 1 CD (Island/Universal) 2007