Keith Jarrett, Gary Peacock, Jack Dejohnette "My Foolish Heart"
Bien sûr, il a un sale caractère : tous les fans de jazz ont pu aller voir cet été sur Youtube cette vidéo prise dans un festival en Italie, où le pianiste invective le public. “Si je vois encore un téléphone portable allumé ou un appareil photo, je m’en vais” dit-il en substance, sur un ton familier qu’on ne l’imaginait pas employer car on croit toujours que les artistes sont supérieurs à nous.
Jarrett est quand même supérieur à ses contemporains sur un point : c’est un virtuose du clavier. Et si certains de ses albums l’ont beaucoup vu se plaire à entrer dans une posture de grand oracle de la lenteur, qui plane à cent coudées au dessus de la foule, tentant d’atteindre l’accord ultime, cet enregistrement live au festival de Montreux en 2001 le montre dans un grand moment de télépathie avec Peacock et Dejohnette, ses complices depuis vingt-cinq ans.
Une bonne occasion de redécouvrir celui qui est aussi un artisan du swing classe, et pas seulement la diva capricieuse qui est -hélas, mille fois hélas, devenu l’image qu’on lui colle parfois instantanément sur le dos quand son nom vient dans la conversation. Certes, même Mehldau, qu’on a dit ombrageux par le passé, n’a jamais atteint ce degré d’irascibilité, mais Jarrett est le père spirituel de Brad. Et les pères sont toujours un peu gueulards, même si au fond ils ont bon fond. Et Jarrett, qu’il joue du Gerry Mulligan, du Miles, du Monk, ou du Sonny Rollins, a très bon fond musicalement.
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Jean-Marc Grosdemouge
Keith Jarrett, Gary Peacock, Jack Dejohnette “My Foolish Heart”, 1 CD (ECM/Universal), 2007
Infos : www.ecmrecords.com