Jean-Pierre Bouyxou, Pierre Delannoy "L’aventure hippie"

Jean-Pierre Bouyxou, Pierre Delannoy "L’aventure hippie"

Bien avant les travellers des années 90, hérauts de la musique techno (cf le livre “Technomades”) qui portèrent loin l’idée de liberté sur fond de musique, il y eut les hippies. Deux journalistes qui eurent vingt ans dans les années 60 nous content leur aventure.

Loin de n’être que ces “clochards célestes” tels qu’on les imagine, ces hippies prônaient un véritable mode de vie, une contre-société à rebours du tout-consommation. Les “brothers” et “sisters”, qui décriaient les gens “straight”, étaient de véritables utopistes. “C’est un des événements de l’histoire de l’humanité”, “une variante de l’anthropos”, comprend de suite le sociologue Edgar Morin quand apparaissent les hippies.

Ce sont des gens dans la lignée des Diggers anglais (des communistes qui, au XVIIe siècle, voulaient instaurer une société sans propriété ni argent), des Babouvistes (disciples de Gracchus Babeuf) ou des Saint-Simoniens (les “moines de Ménilmontant”) français, ou encore des pionniers des familistères. “Branchés en permanence sur la réalité profonde” (selon la définition d’Hunter S. Thompson), les hippies (mot né de “hip”, informé) sont des utopistes qui mirent leurs idées en action. Leur devise : “turn on, tune in, drop out” (s’ouvrir, s’accorder, se lâcher). Leurs armes : le sens de la débrouille et de l’entraide, une envie de vivre une existence différente, parfois en faisant la route. Etre riche de sensations plus que de cash.

On est donc loin de gens en costume “sari ou pattes d’eph’-babouches ou sandales-patchouli” lié seulement à un courant musical en vogue, la pop (Grateful Dead, Led Zeppelin, Ange, Variation ou Magma en France, etc.), genre qui se s’écoute et se “vit” dans des festivals (Woodstock, Monterey), mais bien dans la description de personnes qui décident de se mettre volontairement en marge de la société. La créativité des hippies (provos, situationnistes, etc.) se veut un rempart à l’ordre bourgeois qui opressant avec sa morale étriquée et sa culture chiante à mourir. La drogue permet de quitter un monde terne et d’ouvrir leur conscience et non pas de l’anihiler. Cette époque invente le journalisme gonzo, la “free press”, l’amour libre, et les communautés.

On referme ce livre au ton enthousiaste, et l’on se demande : et la nôtre d’époque, elle invente quoi ?

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Jean-Pierre Bouyxou, Pierre Delannoy “L’aventure hippie”, Editions 10/18, Paris, 426 pages, 9,30 €

première publication : dimanche 18 juillet 2004

Jean-Marc Grosdemouge