Mathieu Boogaerts "Michel"

Mathieu Boogaerts "Michel"

On n’a pas encore épuisé tous les charmes de son précédent album (“2000” tourne au moins une fois par mois sur ma platine) et l’on vient juste de se rendre compte que “Bye” est une chanson bien plus triste qu’elle n’y paraît (au fond, ce type qui “se taille, c’est vital”, ne parlerait-il pas de suicide ?) que voici le nouveau Boogaerts. Michel il s’appelle.

Michel comme Coluche (le petit mec rondouillard drôle et si émouvant quand il joue “le temps des cerises” avec des gants de boxe), comme Polnareff (frappé par son père quand il était gamin, limite aveugle, et émouvant dans sa folie), comme Houellebecq (qui rend les partouzes émouvantes dans “Les particules élémentaires”) ou comme l’Ange. Et plus émouvant qu’un ange, si vous connaissez, vous m’appelez.

“Michel” comme Michel de la 6ème B2 au collège Henri Wallon en 1988 (circa Elsa “Jour de neige”… dans un grand pull qui me protè-ège), le mec de province qui arrive en cours d’année dans la classe et qu’on a envie de devenir son pote au bout de quelques récrés.

Il suffit de deux écoutes (la première fut un peu déconcertante même pour le fan ultra que je suis) pour devenir pote à la vie à la mort avec Michel. Avec Mathieu, ça fait longtemps que c’est fait. On aime ses mélodies tarabiscotées, ses influences africaines (“Siliguri”), sa façon douce amère de mettre de la mélancolie dans tout. C’est bien simple : à côté de Boogaerts, Alain Souchon a l’air d’un mec geignard qui donne dans le pathos facile. Mathieu, lui, sait repeindre en finesse tout son univers en gris-bleu, juste ce qu’il faut. On lui ferait chanter l’almanach Vermot qu’il le rendrait subtil. Prenez “2000”, enlevez les titres ouvertement entraînants comme “Le ciment” ou “Tu es”, et il reste des chansons toutes décharnées, la peau (douce) sur les os (cassant comme le cristal) mais terriblement émouvantes. Les amis de “Renée” et de “Dom” (t’as du talent Dom) vont adorer Michel.

Michel est un pote franchement mou du genou (“Appelez les pompiers”) mais c’est pour ça qu’on l’aime. Il ne cherche pas à épater la galerie. Moi, Michel, je le défendrai face à tous les cons qu’en diront du mal. Fais gaffe à ta gueule à la récré si tu touches à un de ses cheveux. Maintenant, deux albums de Mathieu Boogaerts auront droit à une écoute mensuelle. Il est temps en tout cas qu’on se trouve une femme et qu’on ait des enfants : on a déjà plein de berceuses indé à leur chanter. D’ici là, “Michel” accompagnera les chagrins d’amour qui ne manqueront pas de se présenter à nous avant de trouver la perle. Tiens, perle, ça rime avec Michel.

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Mathieu Boogaerts “Michel”, 1 CD (Tôt ou Tard/Warner), 2005.

première publication : jeudi 14 avril 2005

Jean-Marc Grosdemouge