Ginger Ale "Laid back galerie"
Stéphane Bertrand et Jonathan Chaoul forment le duo multi-référencé Ginger Ale, qui sort un album électro pas mal du tout.
Et ces deux là ne sont pas seuls : Johan Asherton (et sa voix chaude), le jeune prodige norvégien Sondre Lerche, Mathieu Malon (aka Laudanum sur le formidable “Lonely Nitez”), et des gens moins connus comme Jody, Prince Malachi, ou Angele (aka Klima) sont venus poser leurs textes et leurs paroles sur les instrus de Ginger Ale.
Tout ça donne une jolie collection de chansons, souvent électro funk, une ribambelle de chansons qui n’ont pas à se plaindre du traitement artistique qu’elles ont reçu de la part du producteur Renaud Letang. Avec une bonne surprise : la seule chanson chantée en français, malgré son titre, “If” est ses rimes en if (captif, décoratif, impulsif, émotif, fautif, intensif, motif, etc.) Belle utilisation (décalée) du dictionnaire de rimes. Et devinez qui en est le responsable ? notre Etienne Daho national, compagnon de label de Ginger Ale.
Avec juste un filet de voix (son chant est vraiment très en retrait), il réussit une jolie prouesse, à rapprocher de “Blé”, un titre de l’artiste F Comm Juantrip, sur l’album “Balmy under the stormy.” Croulant sous les références glorieuses, ce “Laid Back galerie” est justement une galerie-hommage à tous les sons typiques, à toutes les époques, tous les climax de la musique : New Order (la voix de Bernard Sumner, le jeu de basse de Hooky), le jeu de guitare de Johnny Marr, Portishead et Cure pour les ambiances sombres, mais aussi à Primal Scream, à The Farm, aux Inspiral Carpets, à Presley, à Kraftwerk, à Blondie, à Van Van 3000, aux Stones Roses ou aux Pet Shop Boys.
Bref à chaque fois que l’électrocardiogramme de la musique s’est emballé, Bertrand et Chaoul le cochent sur leur carnet, puis reprennent le déroulement des choses. Marche arrière, on essaie de comprendre comment ça marche et on essaie de refaire. On analyse ce que le passé a produit de plus fort pour tenter de capter un peu de cette palpitation et la réinjecter dans la musique de Ginger Ale. Seulement, le hic, c’est que ce désir intense de revival tous azimuts fait parfois tomber Ginger Ale dans l’écueil du doublon : on ne sait pas si des titres tels “Someday’s another day” ou “Happy house” sont une manière d’hommage à Madchester, ou de pâles copies des demoiselles de Robots In Disguise.
En tout cas, comme Trash Palace, Ginger Ale rappelle qu’il existe en France des musiciens capables de signer des albums dont on risque pas de rire à l’étranger. Reste à espérer que personne n’ait la mauvaise idée de rassembler tout ce beau monde sous une étiquette comme ce fut le cas précédemment avec la bien connue “french touch” et les errements qui s’en suivirent (aujourd’hui être “french touch” est une épithète tellement galvaudée que c’en est presque une insulte parfois). Et finalement, il faut bien l’avouer : cette débauche de figures tutélaires empruntées aussi bien au meilleur de rock que de l’électronique donne envie de se replonger dans la discographie des originaux. Un disque très actuel qui donne envie de passé, ce n’est pas courant…
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Ginger Ale “Laid back galerie”, 1 CD (Virgin), 2002