La hype grunge
Si ce documentaire, réalisé deux ans seulement après le suicide qui qui-vous-savez ne porte pas un titre stupide du genre “la fabuleuse épopée du grunge” c’est qu’il décrit comment la hype autour de la prétendue “scène de Seattle” s’est construite sur un tas d’erreurs, et comment elle a été détournée par l’establishement. Les erreurs d’abord : il y avait plusieurs scènes musicales dans la ville de Seattle, et pas seulement du rock, et puis les groupes qui furent classés sous l’étiquette grunge venaient de toute la région : Portland, Olympia, ou Aberdeen.
Le film montre comment une ville de bouseux, délaissée par les tournées rock, voit naître une scène locale puis un label, Sub Pop, dont les fondateurs, Bruce Pavitt et Jonathan Poneman, ont pour modèle l’usine à tubes Motown. Les tubes ne tarderont pas à venir, avec notamment un certain groupe nommé… Nirvana. L’état de grâce finit donc pour le mouvement, très vite récupéré par les médias, phagocyté par le business.
Finalement, le grunge et ses représentants les plus fameux (Pearl Jam, Soundgarden) ont mis dans l’ombre pas mal de petits groupes. Pendant que l’industrie du disque venait faire son marché (elle est comme un géant qui vient manger dans une ville, écrasant au passage deux trois groupes, explique un des témoins), les précurseurs se voyaient ringardisés, certains nouveaux venus étaient portés aux nues du jour au lendemain, et le cynisme pointait le bout de son nez : les artistes racontaient parfois n’importe quoi aux journalistes lors des interviews, histoire de lancer des rumeurs toutes plus folles les unes que les autres.
Quinze ans après que le mot “grunge” ait été utilisé à tort et à travers, et par là vidé de sa substance, voilà un documentaire instructif : en fait, le punk est comme de l’acnée, apprend-on. On le voit à Londres à la fin des années 70, puis on le croit disparu mais il réapparaît ailleurs. A quand la prochaine poussée ?
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Doug Pray “Hype”, 1 DVD (Rottin’ Rolling/IMD), 2007