Dominique Dalcan en concert (L’Européen, Paris, jeudi 12 janvier 2006)

Dominique Dalcan en concert (L’Européen, Paris, jeudi 12 janvier 2006)

Dans sa nouvelle chanson, “Music Hall” (qui sert également de titre à sa compilation), Dominique Dalcan chante “pour le Carnegie Hall, on attendra”. Il est vrai que le chanteur a une carrière aussi singulière que son physique. Bien qu’excellent, il n’a jamais réussi à conquérir le très grand public. Pour le Carnegie Hall, on attendra, mais par pour l’Européen.

La vedette américaine mesure moins d’un mètre : c’est une petite fille blonde qui doit avoir sept ou huit ans, avec une tenue très BCBG. Aux côtés de son papa -très grand lui, Fanny Vauthier (le vrai nom de Dalcan) fait son apparition sur la scène de l’Européen, une petite guitare à la main. Elle a écrit une petite chanson la veille et s’est laissée convaincre de l’intérpréter devant les gens venus écouter papa. Mais finalement, intimidée, elle renoncera. Voilà ce qui s’appelle une carrière éclair. On ne peut à cet instant s’empêcher de songer à la carrière du père (on y reviendra plus loin). Place à la vraie première partie : Keren, beau brin de femme qui interprète ses chansons en s’accompagnant à la guitare, tout en étant secondée par un guitariste. Parfois ravissant mais un brin anecdotique.

Puis vient Dominique Dalcan, blue jean vintage, chemise noire très ajustée, qui précise dès les premières minutes qu’il est de retour à l’Européen, une salle qu’il connait bien puisqu’il y a donné son premier concert en… 1992. “Retour” est bien le mot puisqu’après avoir officié ces dernières années sous le nom de Snooze (trois albums au compteur, dont le dernier, “Americana”, n’a pas changé la comptabilité du chanteur, “toujours dans le rouge”), Dominique a repris son premier nom de guerre pour publier un best of (“Music hall”), ce qui lui permet de revenir également à la scène.

Alors ce soir, devant une salle bondée (la “Magic” team est là), il joue ses chansons les plus marquantes (“Le danseur de java”, “Cannibale”, “Invidualistic”, ou “L’air de rien”, en compagnie de Nancy Danino) et quelques nouvelles chansons. “La clope au bec”, en début de set, lui permet de signaler qu’il n’est pas “en bout de course”. Et on le constate en l’écoutant revisiter ses chansons dans un registre jazz pop et kazoo. Le kazoo, tout comme le melodica, vient suppléer le faible nombre d’instrumentistes présents sur scène et restitue un peu de la richesse d’orchestration des albums de Dalcan. Plus loin, l’inédit s’appelle “La révision des 10 000” (née parait-il suite à l’achat d’une moto, qui lui a fait comprendre que les hommes sont plus attachés aux machines qu’aux femmes) et Dalcan essaie même de jouer un titre de Snooze (“Welcome to my seventen”) version pop.

Le set se termine par “Brian”, seul tube de Dalcan (obtenu en 1994), que le public reprend en coeur. Des applaudissements nourris suivent, et puis, peu à peu, remonte des rangs de la salle la mélodie de la chanson, que le public s’est remis à chanter. Dalcan revient, pour notamment un “The look of love” dépouillé à donner la chair de poule et “Plus loin mais jusqu’où”, que la foule chante avec lui. Le chant de la foule est si timide que pour ne pas le couvrir, Dalcan murmure à peine, et c’est charmant, touchant, gracieux, précieux. Encore une fois, l’Européen assure à merveille les choeurs de luxe de cette bossa. Et c’en est fini.

Si les artistes pop cultes des années 90 tels que Jean-François Coen (hit : “La tour de Pise”) et plus récemment son collègue du label Crammed Hugo (hit : “La nacelle”) ont fait leur retour, Dalcan, “artisan dans l’industrie du sentiment” n’a -lui, jamais disparu. Il a juste continué un temps sous le nom de Snooze. S’il réactive aujourd’hui son côté pop, c’est qu’il y croit. En témoigne son poing levé (mais levé sans haine) juste avant de quitter la scène.

première publication : mardi 17 janvier 2006

Jean-Marc Grosdemouge