Alain Pacadis "Nightclubbing. Chroniques et articles 1973-1986"

Alain Pacadis "Nightclubbing. Chroniques et articles 1973-1986"

La dernière fois que j’ai parlé d’Alain Pacadis, c’était sur feu M-la-Music.net et … pour ne pas en parler ou presque. C’était à la sortie du livre de mémoires du journaliste, “Un jeune homme chic”, et le site s’est contenté de reprendre la quatrième de couverture du livre. Remarquez, on avait a eu l’honnêteté de signaler “communiqué” en préambule, ce qui signifie en substance : “ce que vous lisez n’est que de la propagande, on n’a pas reçu le livre, on ne l’a pas lu”.

Dans la plupart des journaux, on ne lit pas non plus les livres, mais on écrit quelque chose dessus, en faisant semblant de… Prenez les articles d’un journaliste de “Rolling Stone” (j’aurais pu donner un autre titre mais j’aime bien pourrir ce mag), agrafez-les. Prenez les dossiers de presse correspondants aux disques et livres traités, agrafez-les. Vous avez la même chose ou presque. Et si vous lui dites “bah, c’est de la merde ta prose”, il vous répondra “mais tu sais, la presse ne fais pas vendre de disques, encore moins de livres”. Ben alors à quoi tu sers “coco” ?

Changement d’univers avec Alain Pacadis, qui lui, parlait à la première personne. C’est fini ça : il paraît que c’est parce qu’on ne peut plus se permettre ce genre de fantaisies à “Rock & Folk” que Stan Cuesta a quitté le mag de Manoeuvre. Les temps changent : pas de mal de gens tentent le concours pour devenir de prof des écoles parce qu’ils veulent bouffer et en ont marre de voir les scribouillards médiocres bosser à leur place. Oui, je sais ce que j’écris vous choque. Comme Pacadis choquait en son temps, puisqu’il passait son temps à courir les fêtes, à picoler et à se droguer, avant de s’écrouler dans le caniveau, puis de passer au journal écrire un papier.

Mais un papier écrit avec une plume comme on n’en trouve plus : une plume qui prend position, se lève, dit “je suis, je pense”, une parole libre, une voix qui s’engage. Qu’il s’agisse de parler d’un disque ou d’une fête, Pacadis met en scène sa déglingue, et promenne sa carcasse un peu partout, de l’inauguration de Beaubourg aux cocktails dînatoires pour le lancement de tel ou tel film avec Géraldine Danon ou single d’Isabelle Adjani (qui se souvient de “Princesse aux petits pois” ?), en passant par un concert de Jean-Pierre Kalfon ou d’un groupe alors inconnu alors mais culte aujourd’hui.

Comme quoi Pacadis avait tout bon : à croire qu’il n’a rencontré que les gens qui comptaient ou allaient compter par la suite, des pires (Thierry Ardisson, alors pubeux, ou Philippe de Villiers) aux meilleurs (Marc Zermatti, et tant d’autres, créateurs ou personnages, qu’il serait trop long de les citer tous). Les premiers fast-foods apparaissent, tout comme TV6 (qui deviendra M6), on croise Harlem Désir au Palace. Pacadis parle de lieux qui n’existent plus aujourd’hui. C’est à la fois loin (les téléphones gris avec les vieux cadrans commençaient à s’effacer devant le minitel, on ne parlait même pas du web) et à la fois proche (beaucoup de gens, politiques, artistes ou dirigeants qui peuplent ce livre sont encore aux manettes de nos jours).
Tel un caméléon (il transforme souvent son nom au moment de signer les articles) se mélant aux vanités de la vie nocture parisienne, Pacadis arpente les open bars et les pince-fesses, et on le suit. Les papiers que compile ce livre ont pour la plupart été écrits pour le quotidien “Libération”, qu’on l’on retrouve ici. C’était à l’époque sans pub, à l’époque ou les clavistes pouvaient apposer des notes dans les articles (les fameuses mentions : NdlC), c’était avant qu’Edouard de Rothschild vienne mettre ses billes dans l’affaire. Paca doit s’en retourner dans sa tombe, mais comme c’est un journaliste de “Libé”, Alexis Bernier, qui préface “Nightclubbing”, peut-être que non, il ne reste pas dans sa tombe, Pacadis. Il sort de sa tombe et s’en va… au Palace. Ah ben non, fermé. Alors en son honneur, je retourne picoler pour oublier.

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Jean-Marc Grosdemouge

première parution : vendredi 15 juillet 2005

Alain Pacadis “Nightclubbing. Chroniques et articles 1973-1986”
Editions Denoël X-trême, 2005, 836 pages, 28 euros.

Jean-Marc Grosdemouge