Alain Gerber "Charlie"

Alain Gerber "Charlie"

C’était bien avant Neil Young et sa phrase “mieux vaut s’enflammer d’un coup que de mourrir à petit feu”. C’était par contre bien après “Une saison en enfer”. Des saisons, ce Rimbaud du swing né en 1920 en a passé trente quatre, pas une de plus. Juste le temps de tout dire.

Amateur de marijuana à douze ans, le légendaire saxophoniste est tombé dans l’héroïne à 15. Le nid de ce prince du swing à qui les médecins ont donné 53 ans lors de sa mort, c’était Kansas City (Kay Cee : en fait deux villes jumelles reliées par un viaduc, l’une dans le Missouri, l’autre dans le Kansas), ville de plaisirs dont Alain Gerber fait la base de son récit. Un récit haletant, à lire à voix haute pour mieux en saisir le verbe parfois célinien. Ce voyage au bout du jazz, aussi passionnant qu’”Hellfire” est bien plus qu’une biographie : Gerber décrit comment Charlie Parker (parfois moqué à ses débuts) devient un instrumentiste de génie à force de travail.

Le critique-ornithologue pimente le récit de nombreuses références historiques (cherchez bien dans les rédactions de magazines musicaux qui peut vous raconter aussi bien les événements géopolitiques de l’année 1920) et décrit la société américaine : prohibition, ségrégation raciale, ominiprésence du fait religieux. “Charlie” est un roman (vrai) écrit d’une plume qui vous fait chavirer comme un solo de saxo alto soufflé avec magie par Bird.

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Alain Gerber “Charlie”, Editions Fayard, Paris, 562 pages, 25 euros.

première publication : samedi 9 juillet 2005

Jean-Marc Grosdemouge